Le Covid-19 n’est pas une grippe, c’est un risque très sérieux pour notre société qu’il ne faut surtout pas sous-estimer. Voici un article de fond, documenté à partir d’articles de recherche, qui explique de manière didactique mais détaillée quel est le problème et pourquoi il est grave.
S’affoler ne sert à rien, je n’écris pas cet article pour répandre de la peur, mais pour expliquer la situation actuelle et donner une perspective de ce qui peut se passer. La connaissance scientifique nous permet de faire les bons choix.
Nous sommes peut être dans la première phase d’une catastrophe humanitaire comme on a pas vu depuis la grippe espagnole en 1918 qui a tué entre 2.5% et 5% de la population mondiale (entre 50 et 100 millions de morts). J’espère me tromper, et j’en serais le plus heureux, en attendant, voici mon point de vue sur tout ce qu’il se passe basé sur une analyse scientifique raisonnée d’une crise que je considère potentiellement très grave.
N’hésitez pas à commentez si vous êtes chercheur ou professionnel dans la santé et si vous voyez quelque chose qui va pas dans le raisonnement.
On ne réalise pas assez vite que la situation est potentiellement très grave
Je vois beaucoup de personnes qui, en bon Français, refusent les mesures barrières, ne veulent pas arrêter de se serrer la main, ou de se faire la bise. Les gens continuent de sortir en masse dans les restaurants et endroits public (point réglé hier soir), ne se lavent pas les mains…
On a vu les supporters du PSG se regrouper à 3000 en dehors du stade pour un match de foot (oui … un match de foot), ou encore les Gilets Jaunes continuer à manifester hier et donc à se regrouper pour on ne sait même plus quelle raison depuis des mois, hier soir les gens se regrouper tous ensemble à minuit pour célébrer une dernière fois l’esprit de fête… Bref, une grande partie des Français n’a pas encore compris l’importance des mesures barrières et de l’urgence à agir TOUS ENSEMBLE pour éviter un drame potentiel.
Le gouvernement vient d’annoncer ce soir la fermeture de tous les lieux qui reçoivent du public, cela va dans le bon sens.
Le Covid-19 N’est PAS une grippe
La communication officielle et les médias ont tentés de nous rassurer au tout début de l’épidémie, en indiquant que l’épidémie n’était pas si grave, que c’était à peine plus dangereux qu’une grippe saisonnière, puis a pris des mesures drastiques jeudi dernier avec la fermeture des écoles dès lundi, a peine deux jours plus tard, hier soir, la fermeture de tous les lieux recevant du public.
Certains Français sont sous le choc et ne comprennent pas cette accélération. Cela vient du fait que nous ne respectons pas les gestes barrières et l’épidémie accélère. Il faut agir vite et maintenant pour changer le futur. Ces mesures vont très vite se renforcer dans les prochains 10 jours.
On peut expliquer l’évolution de l’épidémie avec des calculs mathématiques très avancés (pour les personnes disposant d’une très solide culture scientifique cliquez sur ce lien pour avoir ce que l’on utilise comme modèles). Mais en fait, c’est facile, je vous explique …
Pourquoi le nombre de malades grossit très vite ?
Ce qui est critique pour comprendre, c’est le nombre de personnes qu’un malade infecté va contaminer. C’est ce que l’on appelle le R0.
Pour la grippe classique, c’est environ 1,3 personnes, pour le Covid-19 c’est 2.8 personnes (source : Rapport : Estimation du taux de reproduction de l’épidémie de COVID-19 en France Laboratoire – MIVEGEC, CNRS, IRD, Université de Montpellier – 14 mars 2020). Alors vous allez me dire, “mouaif bof … 1,3 comparé à 2.8 ce n’est pas si différent …”, vous vous trompez très fortement, car on additionne pas les choses à chaque génération de malades mais on les multiplie. C’est ce que l’on appelle une progression exponentielle.
De manière simplifiée, la première vague de malade va contaminer 2.8 personnes. La seconde vague, ces 2.8 malades vont contaminer chacune 2.8 personnes soit 2.8 puissance 2 = 7,84 personnes malades en tout. La troisième vague de malades va contaminer 2.8 puissance 3 soit 22 malades, et ainsi de suite. Ça a l’air de pas monter si vite hein ? Mais c’est une fausse apparence, cela monte très très très vite à chaque vague (que l’on peut appeler génération de malades).
Oui vous lisez bien à la 15ème génération de malades, c’est 5 millions de personnes qui sont contaminées potentiellement alors qu’avec la grippe normale ce ne serait que 51 personnes. Ceci explique la très grosse capacité de contamination du virus.
Evidemment, dans la réalité, c’est un peu plus compliqué (d’où les modèles mathématiques bien poilus 😅du lien) mais c’est l’idée.
Du coup, où se trouve le problème ?
Le problème principal vient principalement du fait que le virus est très dangereux pour une petite partie des malades. Environ 5% des sujets infectés ont une intensité critique de la maladie et doivent être admis dans les services de réanimation médicale, pour un taux de mortalité de l’ordre de 50% dans ce groupe de malades (les derniers chiffres sont de 2,4% de taux de mortalité sur l’ensemble de l’épidémie (source OMS)).
De plus en fonction de votre âge et des différentes maladies que vous avez, le taux de mortalité est très très différents:
On voit qu’au delà de 60-70 ans, le virus est très dangereux (ce qui explique en partie la situation Italienne car la moyenne d’âge en Italie est l’une des plus élevée d’Europe).
Pour les 5% hospitalisés, voici d’ailleurs la différence d’évolution de la maladie entre les personnes qui survivent et les personnes qui en meurent (dans le graphique ARDS = syndrome de détresse respiratoire aiguë). On voit que les gens sont malades environ 11 jours avant d’être amené en Réanimation, et qu’ils y survive ou décède en 7 jours). (source : Clinical course and risk factors for mortality of adult inpatients with COVID-19 in Wuhan, China: a retrospective cohort study)
Le problème principal vient de la conjonction entre une explosion exponentielle du nombre de malades et ces 5% qui doivent être placés en réanimation pour avoir une chance de survivre.
On estime le nombre de lit de réanimation en France à 5500 (source : France Inter), si l’on considère que 50% des lits de réanimation sont disponibles pour traiter les gens du Covid-19 (beaucoup d’autres malades ont besoin de passer par la réanimation après une opération), cela veut dire que le système sanitaire Français sera totalement débordé à 55 000 malades.
Pour information, l’Italie dispose de 5100 lits de réanimation (oui c’est très proche des chiffres de la France), or leur système est totalement débordé à 15 000 malades. Cela s’explique par le fait que le taux de disponibilité des lits de réanimation est en réalité beaucoup moins important que mon chiffre de 50% (ce qui n’est pas étonnant, cela ne sert à rien en temps normal d’avoir 50% de lits inoccupés).
Bref, avec une croissance exponentielle et un nombre de lits limités en réanimation, la catastrophe sanitaire risque d’arriver entre 20 000 et 50 000 cas au maximum. Au dessus, on laisse mourir dans le couloir des hôpitaux les personnes qui ont besoins d’être en réanimation pour survivre et les docteurs commencent à devoir choisir qui ils vont sauver. C’est ce qu’il se passe actuellement en Italie.
De plus, la courbe de progression du Virus en France est strictement la même qu’en Italie avec 8 jours de retard (source : CoVID 19 Worldwide Growth Rates – 14 mars). Il y a un article de libération qui explique très bien – lisez le. Donc notre système de santé risque d’être saturé d’ici 10 à 15 jours environ en fonction de la manière dont on arrive à anticiper et notre vélocité à libérer/créer des lits de réanimation.
Un fois que le système est saturé, cela signifie que pratiquement TOUTES les personnes qui font parties des 5% nécessitant hospitalisation décèdent puisqu’elles sont en syndrome de détresse respiratoire aiguë et qu’il n’y a plus de place pour les accueillir en réanimation.
Dernier point pour comprendre l’urgence, les spécialistes en virologie et épidémiologistes indiquent que, compte tenu de la contagiosité du Covid-19 (expliquée ci dessus), entre 40 et 60 % de la population pourrait l’attraper. Ce qui donne entre 25 et 40 millions de personnes en France, dans ce cas, même si on descend la mortalité à 1%, on parle de 250.000 à 400.000 morts potentiels, avec une mortalité à 2.4% c’est entre 700.00 et 1.000.000 de morts. Le Covid-19 N’est PAS la grippe.
Qu’est-ce qu’il va se passer ?
Pour s’en sortir correctement, il faut réduire drastiquement la contagion entre les gens. C’est la seule solution pour à la fois ralentir la progression de l’épidémie mais surtout réduire le nombre total de personnes contaminées. Vous l’avez compris, plus il y a de personnes contaminées, plus le bilan risque d’être catastrophique.
Le gouvernement a pris les mesures de fermer les écoles, puis de fermer les lieux accueillant du public.
Pour le moment, on est dans un stratégie de diminution de la hauteur du pic de nombre de personne infectée comme on peut voir sur le Gif suivant (propriété de The SpinOff) – Désolé pour l’Anglais, mais l’animation est top.
Toute la théorie est d’étaler la masse des contaminations dans le temps pour permettre au système de santé de traiter tous les patients qui le nécessitent comme il faut. Tout le volume de malades qui se trouve au dessus de la ligne en pointillé ne peut être traité correctement, et il y a donc une crise sanitaire très grave avec un nombre important de morts.
En fait, cette stratégie ne fonctionne pas dans le cadre du Covid-19 car le virus est tellement contagieux que la masse de personnes à traiter et la rapidité de l’infection fait que l’on a pas de scénarios où la courbe passe en dessous de la ligne pointillé. C’est pour cela que le gouvernement prend des mesures drastique pour stopper l’épidémie et réduire drastiquement le nombre de contaminations.
Gros problème, le Covid-19 est contagieux bien au delà d’un mètre malgré ce que disent encore les messages sur les chaines d’information. Une étude chinoise récente indique qu’il peut être transmis sur 4.5 m de distance (source : Practical Preventive Medecine – 9 Mars). Les transports en commun sont donc un vecteur de transmission potentiellement très important du virus entre toutes les personnes qui se trouvent dans une rame de métro ou un bus.
Le gouvernement sera obligé d’aller très rapidement plus loin que les mesures actuelles en interdisant aux personnes de sortir de chez eux et de se déplacer. C’est la seule solution qui fonctionne pour éviter entre 500.000 et 1.000.000 de morts. Cela a fonctionné en Chine (n’oublions pas que c’est un système totalitaire), c’est en place en Italie.
Cela a fonctionné très bien sur la région de Wuhan :
Le second scénario qui va se mettre en place à partir de maintenant est celui dans lequel il y a une intervention forte de l’état avec des mesures drastiques sur les déplacements et les gens.
C’est un scénario avec interdiction des déplacements, interdiction des lieux publics, confinement total des personnes … pour permettre de stopper l’infection. C’est très très couteux pour l’économie mais c’est le seul moyen d’arrêter la catastrophe annoncée. …
Cependant, ce scénario à un inconvénient, il faut le maintenir sur la durée jusqu’à ce que l’épidémie soit totalement éteinte. En effet, l’épidémie peut repartir si on relâche les efforts car la population n’est pas immunisée comme lorsqu’une épidémie classique s’éteint d’elle même.
Les épidémies s’éteignent quand une partie importante de la population a été malade et est donc immunisée grâce aux anti-corps développés pendant la maladie. C’est ce qu’il se passe chaque année avec la grippe saisonnière, au bout d’un certain temps, une large partie de la population (entre 2 et 5 millions) a été malade et est donc immunisée, la maladie n’arrive plus à s’étendre dans la population et elle disparait peu à peu.
Ce dernier point indique donc que les mesures de confinement vont durer longtemps, ne vous attendez pas à retourner à la vie normale d’ici 2 semaines.
Comment peut-on se protéger et aider à l’échelle individuelle ?
La situation sanitaire actuelle est très impactante pour la vie de tous les jours, mais il faut bien comprendre que l’on rentre dans une période qui n’est plus la vie normale. C’est la guerre, une guerre contre un ennemi invisible mais tout aussi potentiellement mortel que les balles d’un conflit armé.
Par conséquent, oui, nous allons avoir à faire des sacrifices importants pendant quelques mois, sur notre vie, nos relations, notre façon de travailler, peut être de nous nourrir même. On a regardé certains pays souffrir de guerre et famine devant notre télévision sans rien faire pendant des années, maintenant c’est notre tour d’avoir un problème majeur. Karma quand tu nous reviens en plein dans la g…
En attendant, voici les recommandations officielles agrémentées de celles que je mets en place pour moi à l’échelle de ma famille :
- Sortez le moins possible de chez soi
- Si vous sortez, portez un masque, des gants jetables
- Passez des lingettes nettoyantes sur les boites de nourritures qui viennent du supermarché, le virus reste actif entre 24h et 9 jours sur des surfaces type verre et métal (source : le quotidien du medecin). Idem sur tout ce qui vous est livré.
- Cessez de voir vos amis temporairement
- Rencontrez le moins de monde possible
- Tenez vous loin des personnes que vous rencontrez, le virus se transmet jusqu’à 4,5 m
- Ne prenez pas les transport en commun, préférez un taxi en portant un masque et des gants ou votre propre moyen individuel (encore mieux)
- Faites tous les rendez vous que vous pouvez par téléphone, visio-conférence. Faites du télétravail si vous pouvez
- Si vous prenez les transports en commun, portez un masque et des gants dans les transports, essayez les horaires décalés (de toute façon d’ici une semaine à 10 jours, il n’y aura plus de transports)
- Lavez vous les mains dès que vous touchez quelque chose qui peut être contaminé par quelqu’un, cela peut être une poignée de porte, un bouton d’ascenseur, même le courrier que votre facteur dépose dans la boite au lettre (qui sait, il a peut être toussé dessus sans faire attention …)
- Lavez deux fois par jour les poignées de portes, interrupteurs etc…
- Si vous êtes malades, isolez vous dans une pièce, portez un masque comme il faut, aérez la pièce souvent. Abonnez vous à Netflix et déchirez le catalogue de série, c’est le moment 😉
- Respectez les consignes du gouvernement
- La prise d’anti-inflammatoires (ibuprofène, cortisone, …) pourrait être un facteur d’aggravation de l’infection. En cas de fièvre, prenez du paracétamol.
Combien de temps va durer cette crise ?
Aucune idée, mais je ne crois pas raisonnable de penser que la situation sera totalement résolue avant mi Mai, début Juin. Cela va au moins durer 2 à 3 mois, certains disent 6 mois. Cela dépend de tellement de facteurs (comportement du virus par rapport à la chaleur, efficacité des mesures, découverte d’un traitement efficace, …) que c’est impossible à prévoir.
Ce qui semble plausible, c’est qu’il n’y ait pas de vaccin pour les 6 prochains mois au minimum, même si les recherches avancent, c’est très compliqué de vérifier qu’il fait bien effet et surtout qu’il n’y a pas d’effet secondaires plus grave que la maladie elle même.
Portez vos bien mes chers lecteurs et lectrices, soyez prudents, protégez votre santé et la santé des autres. Amicalement, Adam.