#41544
bzo
Participant

vivre son plaisir, les yeux fermés ou les yeux ouverts?
la question peut paraître sans intérêt
mais il en est rien

j’ai définitivement choisi mon camp,
pour moi, ce sont les mirettes grandes ouvertes
et si je sens que sous l’effet de l’intensité de ce que je vis, un moment, elles ont tendance à se refermer,
alors je fais l’effort de bien les rouvrir

pourquoi donc?
eh bien, c’est simple, cela finit par être juste plus intense, plus riche, cela fonctionne mieux, plus facilement,
à deux ou à plusieurs, vous pouvez à tout instant aller laper le plaisir comme à une source,
dans les yeux de votre ou de vos partenaires,
vous pouvez suivre le moindre détail de leur décollage, de leur abandon, de leurs petits morts

tellement érotique, tellement expressif, des yeux imbibés comme des éponges, de plaisir,
on semble y voir les entrailles en train de fondre sous l’effet de la jouissance
cela dégouline de sexe, les pupilles

et puis aussi bien sûr, les yeux ouverts, on a une vue panoramique sur son ou leurs corps,
pris comme le sien dans les filets délicieux de la volupté, s’y débattant avec gourmandise,
boire tout cela des yeux, fais que nos corps sont encore plus entremêlés,
que nous nous serrons, nous nous frottons, mieux, les uns contre les autres

et tout seul alors, me direz-vous, quel est l’intérêt?
il est tout aussi grand, voire plus, qu’en compagnie,
je m’explique

d’abord, derrière des rideaux fermés, ce ne sont plus des sensations désincarnées que l’on goute,
mais des sensations dans un corps occupant l’espace,
un corps en relief, en trois dimensions, une masse compacte de viande, de nerfs, de sang, d’os,
nous le sentons vibrer dans le vide quand les yeux sont ouverts,
nous le sentons mieux s’émouvoir, mieux partir en roue libre,
nous sentons mieux nos mouvements, nos déplacements, nos gestes

voir sans chercher à regarder vraiment, sans chercher à regarder quelque chose en particulier
mais juste se voyant malgré tout, plus se sentant par les yeux, en fait,
nous aide à vivre un plaisir plus complet, plus riche
car c’est le véhicule dans son élément que nous percevons,
le véhicule roulant, dont nous partageons les embardées, les dérèglements délicieux
et plus juste quelque chose d’intériorisé,
ce n’est plus seulement le moteur tournant dans l’obscurité
mais aussi la carrosserie, les roues, le rétroviseur, la route, le vent
qui nous accompagnent

l’incandescence, ce sont des tripes, ce sont des tréfonds,
ce sont des forces mystérieuses qui montent
mais c’est aussi un paquet de nerfs et de viande sanguinolente, au contact de la réalité,
que vienne la chaise, que vienne l’armoire, que vienne le lit,
qu’ils viennent m’aider à foutre, qu’ils viennent se fondre à moi,
je veux les sentir, complices de ma fornication
je veux sentir un fleuve de chattes et de bites, se faufilant parmi les meubles,
remontant dans mon regard, vers moi

par moments, tout semble tellement complice,
notre regard va vers l’extérieur
mais il semble aussi qu’il y ait moyen de l’emprunter dans l’autre direction

prendre son pied, les yeux ouverts,
il y a un côté un peu exhibitionniste, définitivement,
sans même se regarder, loin de tout miroir,
rien que par le fait de garder les paupières bien ouvertes,
on finit par sentir comme une caresse dans l’espace, sa chair en fusion,
celle-ci attire notre regard, l’aimante, irrésistiblement

on l’entrevoit ce corps, on est étonné, c’est bien nous?
cette chair tellement habitée par quelque chose de si incandescent,
semble ne plus tout à fait nous appartenir,
en effet, ce n’est plus tout à fait nous,
on a bien raison d’être curieux,
ce monde a un envers du décor, décidément, nous, y compris

les mustangs sauvages habitent notre chair,
nous sommes quelques instants, leur plaine à perte de vue où galoper,
notre regard se pose avec avidité sur cette peau,
on en devine l’agitation dans les profondeurs et à la surface aussi,
on la suit comme s’y on voyait au travers,
embrasse du regard ce corps, regarde-le amoureusement, regarde-le tendrement,
imbibe-t’en,
il te le rendra