cela faisait une demi-heure que j’étais réveillé,
une demi-heure que je n’arrêtais pas de jouir,
j’utilise ce mot de “jouir”
car c’est celui qui convient le mieux
pour décrire cette sensation d’ineffable dans ma chair
une sensation, en même temps, extrêmement localisée
et qui, instantanément, semble se répandre, à tout mon être,
de fond en comble, jusqu’au fin fond de mon âme,
de l’ineffable, du soyeux, qui nage de tous les côtés,
une sorte de caresse intérieure, chaude, douce, légère
mais en même temps, tellement dense,
densément douce, doucement dense,
semblant tellement pénétrer partout et nulle part
chacun de mes gestes, de mes mouvements,
la moindre contraction, le moindre effleurement,
le moindre changement de position,
provoque un lent tournoiement de milliers de micro-tentacules soyeuses,
un mouvement dans un mouvement qui déclenche un autre mouvement,
un double, un triple, un quadruple, mouvement,
une myriade de mouvements
le yin, tellement envahissant et tellement envahi du yang,
lui bouge en elle,
ils bougent ensemble, en moi,
sans se préoccuper le moins du monde, de moi,
ils forment une cellule indivisible, frémissante,
pour l’instant, indépendante,
en mouvement en moi
qui déclenche une réaction en chaîne, de la part de ma chair
qui lui-même provoque une réaction en chaîne, de leur part,
ma chair interagit avec eux,
tellement de flux de vibrations, en mouvement,
ressentis
suis-je en train de jouir?
des mots, des mots, rien que des mots, des coquilles vides
mais le pouvoir suggestif, est là, j’espère
pour quelques instants, pour vous,
en vous
quoiqu’il en soit, me voilà dans l’obscurité, sur mon matelas,
me tordant doucement sur place,
me caressant, gémissant, râlant
le matériau que je caresse,
est tellement différent de ma chair, soudainement,
je me suis mis à caresser le matelas,
mais, en même temps, c’est comme si je continuais à me caresser, moi,
moi mais d’un matériau différent,
toujours moi, cependant,
moi, incandescent,
le matelas, semble une prolongation incandescente,
fait d’un autre matériau,
de moi-même,
désormais, j’étreins avec passion, le coussin,
je le presse, je le tords,
vous m’avez bien lu,
c’est plus fort que moi,
j’ai commencé à étreindre avec passion, le coussin
mais en même temps, c’est toujours moi,
un moi prolongé dans un autre matériau,
oh comme c’est ineffablement jouissif, ce moi qui semble se répandre,
me voilà de coton dense, trituré, malaxé, palpé,
ma viande, mon sang, mes nerfs,
sont de coton, trituré, malaxé, palpé, pour l’instant