#44599
bzo
Participant

j’ai vraiment un corps magnifique,

mais alors, magnifique,

vous n’avez pas idée…

 

enfin, comprenez cette affirmation comme il faut l’entendre,

je ne veux pas dire que j’ai un corps sculptural,

une vraie statue grecque ambulante

qui fait pâlir d’envie tous les hommes,

leur fait honte d’avoir la bite qui durcit un peu,

sur mon passage, malgré eux,

qui fait se tourner tous les regards de femme,

éveillant des chaleurs dans leur bassin

 

non, je veux dire par là, ce que vous savez déjà,

mes millions de lecteurs fidèles

car au fond, je ne fais que me répéter,

je varie, je varie, enfin j’essaie

mais je parle, en fait, toujours de la même chose,

je suis un peu comme un oiseau sur sa branche,

je siffle toujours les mêmes notes,

joyeusement, à tue-tête

 

non,

un corps qui a la moindre sollicitation de ma part,

à la moindre petite envie,

exauce mes souhaits intimes, les plus ardents,

de plaisir intense et riche

et me fait immédiatement vivre

des moments de volupté et de jouissance, uniques

 

le monde entier, gravite autour du désir

et comment le satisfaire,

c’est une galère pour beaucoup,

une obligation pour certain(e)s,

pour quelques uns, une exploration passionnante et épanouissante,

pour la plupart, des moments trop rares, trop brefs,

souvent frustrants, même

 

il y a depuis toujours,

quelque chose de viscéralement, d’irrépressiblement, frénétique

et de profondément fatiguant, usant,

dans la volonté souterraine qui nous anime, tout un chacun,

de devoir satisfaire son désir,

et qui revient intacte, jour après jour, nuit après nuit

 

moi, j’ai tout ce qu’il me faut, dans ma propre chair, désormais,

il suffit que je me touche

et ma peau s’enflamme,

que je bouge un peu le  bassin

et directement, il s’emplit de volupté,

que je bouge un peu les hanches

comme si j’effectuais des mouvements de pénétration

et j’ai la sensation irrésistible de me faire l’amour,

mes cuisses effleurent un instant, mes bijoux de famille

et une délicieuse lascivité voluptueuse,

m’inonde immédiatement

 

cela arrive de toutes parts,

cela m’envahit , des pieds à la tête, jusqu’au fond de l’âme,

c’est un constant tsunami mais tout en douceur et en finesse

dès que j’appuie sur le bouton d’allumage

que je peux, cependant, aussi rendre tonitruant, brutal,

emportant tout sur son passage,

si l’envie m’en chante

 

mais ce n’est qu’une illusion, me rétorqueront certains,

que m’importe,

même si c’était vrai, que ce n’est qu’une illusion,

les moments uniques qu’elle me permet de vivre,

de pareille communion avec mon corps,

d’une pareille richesse

et tellement, tellement,  à volonté,

tellement sans limites dans l’intensité et la variété,

cela me suffit, j’en demande pas plus,

je m’en gave, encore et encore,

à toute heure du jour comme de la nuit,

sans me retenir aucunement

 

mais ne forçant pas,

ne forçant jamais,

plus jamais,

je peux me payer ce luxe, désormais,

de ne plus être dans la demande, à aucun moment,

de ne plus devoir chercher, de ne plus être quémandeur,

juste de laisser venir,

je suis un hôte, j’accueille, je suis habité par quelque chose en permanence,

mon plaisir n’est plus dépendant d’une cause extérieur, en aucune façon,

l’hôtel est surbooké, complet,

plus un trou de souris de libre

 

c’est comme une respiration commune,

à ma chair et à mon esprit,

comme s’ils se mettaient à respirer ensemble,

un air rare, un air unique, un air ineffable,

passionnément, parfaitement synchronisés,

un nectar dans l’invisible, tellement nourrissant,

dont ils emplissent tout mon être,

même quand ce n’est que pour quelques instants

 

certes, un autre corps, de femme ou d’homme,

offre de toutes autres perspectives,

sans doute, j’y perds beaucoup

et peut-être un jour, quand il sera trop tard,

que je serai vieux et fané,

je le regretterais amèrement,

d’avoir arrêté à partir d’un moment, de participer à la noria commune

de ne plus chercher à en boire l’eau

que se partagent les multitudes de corps,

tellement inégalement

 

qui vivra, verra,

l’herbe n’est pas toujours plus verte ailleurs, cependant,

des échos de toutes parts, me le murmurent,

j’ai ensemencé en moi, j’ai fait pousser en moi,

l’herbe y est, à présent, haute, verte, resplendissante

mais peut-être qu’elle me parait, juste, comme cela

parce que j’ai complètement oublié à quoi elle ressemble

quand on va la chercher ailleurs