la façon dont mon corps se laisse faire,
répond à toutes mes sollicitations,
réagit au quart de tour,
cela tient du miracle,
quand je pense à ce même corps, il y a quelques années,
à quel point, c’était la grande muette,
à quel point, les seules réponses que j’avais à des stimulations sexuelles,
étaient quand je me touchais ou qu’on me touchait, la queue
aujourd’hui, je peux m’effleurer n’importe où
et c’est comme si un grand hangar se mettait à résonner,
d’un objet qu’on a fait tomber dans un coin
ou encore comme une étendue d’eau,
dans laquelle on a jeté quelque chose,
des vagues en cercles concentriques, immédiatement,
s’en allant dans toutes les directions
il y a au fond de l’imagination,
je m’en suis rendu compte, en la scrutant bien,
une sorte de no man’s land, une zone floue,
constamment comme brumeuse, comme enveloppée d’un halo de mystère
qui semble avoir ses racines profondément enfouies,
dans la chair, dans le sang, les os
je vois cela comme une sorte de zone tampon entre le corps et l’esprit
par où des messages peuvent se transmettre,
par où peut s’établir un dialogue entre eux
faire taire son intellect durablement durant l’action,
rendre sa liberté à l’imagination, la désenclaver,
cette zone prend peu à peu vie,
commence à grouiller d’informations allant dans les deux sens
le corps se met à réfléchir,
l’esprit, se met à gambader dans les organes,
les muscles, le pénis, l’anus, les poils, les cheveux,
les gémissements