#51550
bzo
Participant

les mots semblent vraiment, chez moi,

comme une sorte d’éjaculation de mon imagination,

post-moments de plaisir

 

je viens d’avoir quelques moments de volupté très très intense,

il y a quelques instants,

sur mon siège, face à l’écran,

quelques caresses, quelques mouvements des hanches,

une ou deux contractions,

des mots ont jailli immédiatement en grappe après

et sont là devant vos yeux

désormais

 

enfin , ce n’était pas, il y a quelques secondes,

enfin oui et non,

vous me comprenez,

le temps de l’écriture

et le temps de la lecture,

il y a ce décalage dont on peut faire fi,

entre nous,

tandis que j’écris, tandis que vous me lisez

 

j’aime à imaginer

quand quelqu’un lira ces mots,

s’imaginant un instant, moi, les écrivant,

s’imaginant, moi, écrivant ces mots lui suggérant de m’imaginer les écrire,

s’imaginant m’imaginant des mots me suggérant de vous imaginer m’imaginant les écrire,

m’imaginant vous imaginer m’imaginant en train de vous imaginer moi dans le passé

en train de vous imaginer vous dans le futur,

m’imaginant dans le passé

 

emmêlons joyeusement et inextricablement,

la temporalité de l’avènement de l’écriture

et celui de l’écriture,

de ces mots

soyons pour quelques instants,

un bouquet de miroirs reflétant nos actions respectives

dans le présent, le futur et le passé de ces quelques images

jetées à l’écran depuis mon clavier

 

créons pour quelques instant

un pont abolissant la temporalité

abolissant le temps miniaturement,

vous et moi,

le miracle, l’ingéniosité, des mots,

comme nous le faisons aussi,

en d’autres circonstances,

grâce au miracle des caresses,

des gestes ensorceleurs

 

là, nous sommes à la fois,

l’écrivain et le lecteur de notre plaisir

et nous abolissons le temps entre ces deux actions en nous,

nous plaçant ainsi dans la sorte de spontanéité absolue

du plaisir

qui est comme un délicieux gouffre sans fond

 

la volupté abolit le passé, abolit le futur,

abolit même le présent en fait,

on est juste comme fondu

dans une sorte d’intensité ineffable

hors du temps, de l’espace et du monde,

peut-être à la fois autant vivant que mort,

pendant quelques instants,

c’est-à-dire immortel,

c’est-à-dire d’une fragilité absolue