les mots semblent vraiment, chez moi,
comme une sorte d’éjaculation de mon imagination,
post-moments de plaisir
je viens d’avoir quelques moments de volupté très très intense,
il y a quelques instants,
sur mon siège, face à l’écran,
quelques caresses, quelques mouvements des hanches,
une ou deux contractions,
des mots ont jailli immédiatement en grappe après
et sont là devant vos yeux
désormais
enfin , ce n’était pas, il y a quelques secondes,
enfin oui et non,
vous me comprenez,
le temps de l’écriture
et le temps de la lecture,
il y a ce décalage dont on peut faire fi,
entre nous,
tandis que j’écris, tandis que vous me lisez
j’aime à imaginer
quand quelqu’un lira ces mots,
s’imaginant un instant, moi, les écrivant,
s’imaginant, moi, écrivant ces mots lui suggérant de m’imaginer les écrire,
s’imaginant m’imaginant des mots me suggérant de vous imaginer m’imaginant les écrire,
m’imaginant vous imaginer m’imaginant en train de vous imaginer moi dans le passé
en train de vous imaginer vous dans le futur,
m’imaginant dans le passé
emmêlons joyeusement et inextricablement,
la temporalité de l’avènement de l’écriture
et celui de l’écriture,
de ces mots
soyons pour quelques instants,
un bouquet de miroirs reflétant nos actions respectives
dans le présent, le futur et le passé de ces quelques images
jetées à l’écran depuis mon clavier
créons pour quelques instant
un pont abolissant la temporalité
abolissant le temps miniaturement,
vous et moi,
le miracle, l’ingéniosité, des mots,
comme nous le faisons aussi,
en d’autres circonstances,
grâce au miracle des caresses,
des gestes ensorceleurs
là, nous sommes à la fois,
l’écrivain et le lecteur de notre plaisir
et nous abolissons le temps entre ces deux actions en nous,
nous plaçant ainsi dans la sorte de spontanéité absolue
du plaisir
qui est comme un délicieux gouffre sans fond
la volupté abolit le passé, abolit le futur,
abolit même le présent en fait,
on est juste comme fondu
dans une sorte d’intensité ineffable
hors du temps, de l’espace et du monde,
peut-être à la fois autant vivant que mort,
pendant quelques instants,
c’est-à-dire immortel,
c’est-à-dire d’une fragilité absolue