viens de me réveiller,
comme il fait bon sous les couvertures,
chaud, doux, doux, cocon, cocon, nid, nid,
le froid de la pièce accentue cette sensation,
on est en hiver et j’éteins complètement le chauffage pour la nuit,
la pièce a eu tout le temps de refroidir
mais je n’ai que le bout du nez qui dépasse
comme un périscope
quelque part, j’ai l’impression de sortir d’un cinéma
où j’ai vu un film incroyable qui a duré des heures,
le scénariste doit être fou, sous acide, pour avoir imaginé un truc pareil,
je ne saurai vous en raconter l’histoire,
c’est inracontable
mais c’était ébouriffant, sens dessus sens dessous, psychédélique, indiana jonesque,
foisonnant, grouillant, foutraque, en 3D, 4D, 5D, 100000D
maintenant, je me frotte lentement une jambe contre l’autre,
lentement, très lentement,
goutant chaque millimètre de peau, chaque poil qui se froisse, qui se presse
rien d’autre que cette action
mais cela entraîne toutes sortes de déplacements ailleurs,
des hanches, du tronc, des membres,
des frottements, des effleurements, des pressions, de tous les côtés,
des contractions un peu partout, oh oui, un peu partout
et j’en goûte chaque variation, chaque changement d’angle, de pression,
de différence d’intensité dans les contractions, des mouvements, ici et là
tout cela se transforme en sensations
qui se suivent, s’amalgament, se lient, fluidement,
formant comme un orchestre à l’oeuvre
et moi, je suis tout à la dégustation,
oh comme je suis à la dégustation,
je ne rate pas une nuance,
le plus infime changement entraîne une coloration nouvelle,
tantôt, ce sont des variations subtiles, toutes légères
tantôt le changement est comme séismique,
registre tout à fait nouveau
prenant la place soudainement, en bloc, de tous les côtés
on dirait du ressac, des vagues, du courant,
avec des poissons dedans par milliers
qui tournent, se retournent, filent, changent de direction,
soudainement, lentement, ralentissant, accélérant,
des algues, ondulant, tantôt par millions en même temps,
tantôt quelques solitaires, chacune avec des rythmes différents
oh mon corps,
qu’est-ce que tu me fais là