#35334
bzo
Participant

tout à l’heure, je passais avec le bus le long de la forêt de Soignes au sortir de Bruxelles
pour aller rendre visite à ma vieille mère comme tous les dimanches,
je me suis rendu compte que cela faisait des années
que je ne m’étais plus promené en forêt, parmi les arbres,
y flâner, m’y perdre un peu, me ressourcer
et cela m’a rendu triste à un point pas possible,
moi qui était si proche de la nature pendant des années

je fixais mon regard sur les arbres qui défilaient,
les grands hêtres adultes avec leur frondaison en train de brunir, en train de rougir,
leurs myriades de feuilles qui se préparaient à tomber pour l’hiver,
je fus tout d’un coup bouleversé, ému jusqu’aux larmes,
il me semblait entrevoir en filigrane un palais antique, un palais immémorial
avec des décorations riches, délicates, de tous les côtés,
une dentelle fine, tout en nervures bougeant lentement, paresseusement, se déployant d’arbre en arbre
formant une sublime architecture évanescente devant mes yeux

cela faisait longtemps que je ne m’étais plus senti comme cela devant le spectacle de la nature,
je sentais en moi toutes les énergies en éveil,
ces énergies qui d’habitude sont sollicitées sexuellement,
se transformant dans ma chair en flux mâle et en flux femelle,
là dans ce bus, avec la forêt défilant devant mes yeux,
je les sentais tout d’un coup présentes en moi, sans avoir été sollicitées expressément
et enrober dans le faisceau de mon regard les frondaisons des arbres,
comme caressant délicatement, avec infiniment de respect, les branches, les feuilles, au passage
la lumière cristalline, les morceaux de ciel, apparaissant aléatoirement entre les branches,
je buvais tout cela par les yeux,
j’en étais imbibé jusqu’au fond de mon être pendant quelques secondes