#41399
bzo
Participant

goûter une totale complicité avec son corps,
c’est vivre le désir entièrement à son rythme,
plus à celui d’une frénésie de surface,
menée par notre intellect

c’est souvent lent, très lent même,
comme si la lenteur permettait à la chair de s’ouvrir magnifiquement,
aux caresses, de ne rien rater du grain de la peau,
aux contractions de presser là il faut, quand il faut, comme il faut,
aux gestes et aux mouvements, d’avoir une précision chirurgicale
tout en restant spontanés mais comme réfléchis par le corps

là, par exemple, juste avant que je me mette à écrire ce texte,
j’étais debout devant mon écran, pendant de longues minutes, je lisais
et en même temps je me caressais tranquillement,
plus bas, mes génitaux avec mes cuisses, étaient tout à leur manège habituel
et puis je contractais aussi régulièrement des muscles,
dans la région de l’anus, du périnée,
pour sentir des ondes s’élancer de ma prostate

tout tournait lentement, comme au ralenti quasi pour bien tout sentir,
avec de soudaines accélérations comme d’éphémères pur-sang jaillissant de leur enclos,
l’instant semblait se disséquer en multiples couches,
les sensations s’étiraient,
semblaient se presser jusqu’à la dernière goutte de nuance en elles

j’étais là debout faisant tout cela distraitement,
la lecture et puis le dialogue intime avec mon corps,
occupait chacun tour à tour le devant de la scène,
la cohabitation était sans heurts, machinale, maximale,
mes yeux parcouraient les phrases, mes doigts parcouraient les seins,
je bougeais mes hanches lascivement,
mon sexe et mes couilles, étaient chauds, duveteux, tout contre la peau de mes cuisses,
la volupté semblait en couler continuellement comme d’une éponge qu’on presse

tout cela formait un ensemble vraiment étonnant,
je me suis rendu compte à un moment donné,
je veux dire, il me paraissait tout à fait normal, tout à fait naturel,
de faire les deux occupations en même temps, rien de singulier là-dedans,
tantôt pris par le travail intellectuel de suivre les mots, d’en déchiffrer le sens,
de changer de page sur le site que je visitais,
tantôt fermant les yeux ou même pas, juste me laissant emporter quelques instants,
dégustant par gorgées, les nuances des sensations qui s’étaient éveillées

il n’y avait pas de temps mort, d’enchaînement mal négocié,
je passais de l’un à l’autre sans aucun problème,
c’était un peu de la haute voltige malgré tout
mais sans aucun accroc, tout s’enchaînait comme il faut

le travail de lecture et l’action de jouer avec mon corps,
s’accordaient parfaitement,
mon intellect habitué, ne cherchait pas à s’immiscer ailleurs
que dans ce que je lui demandais de faire
et mon corps semblait s’accommoder qu’à d’autres moments,
je retournais pour continuer la lecture

il y a un rythme profond qui ouvre toutes les portes en nous
c’est comme un sésame, le désir n’a plus qu’à s’élancer,
les sensations naissent comme des tapis de fleurs et disparaissent

laisser faire, servir de relai, agir sans savoir, où, quand, comment,
le corps en retour, se charge de la transmutation,
juste être là, à son service et lui, en retour, totalement au notre,
se soumettre l’un à l’autre, agir l’un pour l’autre

étape ultime, respecter ce rythme qui pulse sourdement dans nos profondeurs
un souffle de gouffre, déployer la voile la plus légère sur le pont,
la laisser s’élever tranquillement comme un papillon de nos mains,
avancer tout doucement, tout doucement

s’emballer sans rien retenir quand le sang le commande,
lâcher les chevaux pour le crescendo des gémissements de la bien-aimée
la balance du fond du bassin, là où il y a les saletés qui s’accumulent,
c’est là qu’il y a le la du clapotis,
la main discrète de l’océan

le moindre geste, le moindre mouvement, la moindre posture,
semblent trouver l’accord intime dans le moment,
les sensations fusent précises, claires, optimisées,
du cristal nait directement avec un éclat de soleil dedans,
avec de la lumière vibrante enveloppant un arc en ciel

notre chair, comme une source de haute montagne,
résonne joyeusement