aujourd’hui, dernier jour de canicule annoncée, ici à Bruxelles,
je vais rester toute la journée chez moi,
je ferme toutes les fenêtres, mets en route mon super climatiseur,
me mets à poil et vais bricoler toute la journée
pour peaufiner toujours plus mon appartement
en toute modestie,
c’est en train de devenir une oeuvre d’art en soi, mon appartement,
tout mon argent y passe,
cela aura pris des années mais il commence à ressembler
à quelque chose issu entièrement de mon imagination,
avec des tableaux, des sculptures, des vases, des masques ethniques,
des meubles design, partout,
le moindre détail pensé, le moindre petit objet choisi, élu, coopté
rien de trivial, nulle part,
des centaines d’heures de travail,
de recherches patientes pour trouver l’oiseau rare qui va aller dans un coin,
des erreurs, plein d’erreur
mais voilà, le résultat est là
et avec le plus de confort possible, aussi,
que cela reste pratique, tout le temps, rende ma vie plus facile,
le plus agréable à vivre possible,
pas seulement un plaisir de l’oeil et de l’imagination,
tout pensé jusque dans le moindre détail
ne pas oublier , bien sûr, cette autre activité qui va m’accompagner
qui accompagne à peu près toutes mes activités à mon domicile,
quand je suis seul,
le dialogue intime avec ma chair,
le bricolage s’y prête tellement bien,
on est en mouvement, on se penche de tous les côtés,
on s’accroupit, on se relève, on se contorsionne parfois,
on bouge beaucoup, on entre en contact avec des tas d’objets,
prend toutes sortes de poses, on se frotte, on se presse à divers matériaux bruts,
tout cela favorise, chez moi, aussi, constamment,
les moments ardents avec mon corps
j’entremêle tout cela, parfaitement, c’est parfaitement au point comme mécanisme,
je prolonge un geste de bricolage par quelques secondes de volupté ineffable,
ce sont deux mondes parallèles superposés
qui sont tellement bien rodés chez moi,
je les fais se joindre quand je veux, comme je veux, où je veux,
tant qu’il n’y a personne
car mon corps est mon complice sans faille
et on est parfaitement d’accord sur tout cela
et le désir est là, splendidement développé, entre nous,
comme une magnifique plante verte bien entretenue,
qui a poussé au-delà de tous les espoirs
la laisser ainsi prendre toute la place, entre mon corps et moi,
c’est nous assurer tout un monde de feuilles qui bruissent , qui tremblent , constamment,
c’est là-dedans que baignent, aussi, mes sens, en même temps que dans le monde réel,
c’est là-dedans que baigne mon sang et mes nerfs,
la soupe à la lumière et le vent
et aux feuilles frémissantes à l’unisson, dans l’invisible de ma chair
sans rien retenir, sans aucun tabou,
je suis seul, je fais ce que je veux,
j’extrais de moi un plaisir sans concession, sans limites
et je vais le chercher dans des zones, au-delà des frontières de mon identité sexuelle,
laissant mes gestes, mes mouvements, mes postures, mes gémissements,
se féminiser, au passage,
si le désir m’emmène par là