
m’arrêter quelques secondes dans ce que je fais,
voire ne pas m’arrêter du tout,
juste accompagner nonchalamment l’activité,
jouant sexuellement avec moi-même,
me chipotant, me tripotant,
bougeant un peu lascivement,
sentant la houle s’éveiller entre mes hanches,
sentant comme une bite et un vagin,
entrer en action, dans mon bassin,
tout en continuant à faire ce que je fais
colorier, cribler, les instants,
de sensations ineffables, voluptueuses,
de sensations de pénétration, tellement délicieuses,
je pousse le vit, le sens remonter en moi,
faisant fondre, un instant, au passage, mes entrailles,
avec sa grosse tête qui remue,
qui se fraye un chemin, vers le haut
je m’aime comme cela,
laboratoire bisexuel, homosexuel, lesbien, tout seul,
expérimentant
mais en même temps, vivant pleinement l’instant,
le rendant incandescent
le sexe, cela se passe entièrement,
dans notre galaxie intérieure,
bien qu’on interagit, la plupart du temps,
avec des objets extérieurs, avec d’autres êtres
mais une seule chose compte, dans cette histoire,
pour que les sensations s’éveillent en nous,
se débrident de plus en plus,
nous mettent en roue libre,
c’est de parvenir à se connecter à son corps,
d’avoir accès, ainsi, à ses ressources
mais au fait, attendez,
on n’a même pas vraiment besoin d’accessoires,
ni même d’un autre corps,
on n’a besoin que d’une seule chose,
c’est de sa chair et de tout ce qu’il y a dedans,
de toutes les ressources qui dorment au fond d’elle
la seule clef vraiment nécessaire,
c’est la complicité avec son corps,
aucune recette sérieuse à transmettre,
juste quelques indications
qui sembleront terriblement dérisoires et abstraites,
quand on débute
la vérité de la chair,
c’est en soi, c’est en chacun
mais c’est en soi, seulement pour soi,
et c’est chacun pour soi, finalement,
malgré tous les efforts qu’on fait,
chacun, pour aider autour de soi,
l’autre à se trouver
il faut apprendre à laisser tomber,
toute certitude, tout apprentissage, sur le sujet,
et ne se fier plus qu’à la grande oreille vers l’intérieur,
la mouler patiemment
accepter de ne plus être au volant,
tellement important cela,
laisser les commandes,
plonger dans ce corps, la tête la première,
s’habituer d’abord, à l’eau sombre, comme morte, inerte,
pour espérer un jour,
rencontrer sa faune extravagante, lumineuse, des profondeurs
accueillir le grand moi du corps,
se laisser investir par lui, le temps de l’action,
dégeler la mer des murmures