ô ma chair,
dans quel royaume, tu m’as permis de mettre les pieds,
de quel royaume glorieux, sans équivalent,
tu me permets de fouler le sol
je ne savais pas,
je n’aurai jamais soupçonné, un seul instant
que le désir pouvait à ce point régner,
pouvait à ce point, installer ses chapiteaux,
pouvait à ce point faire ce qu’il veut, dans un corps,
pouvait à ce point prendre les commandes,
pouvait à ce point retourner comme une crêpe,
pouvait à ce point rendre les sens, complètement fous,
qu’il ne reste de moi, plus que de la jouissance,
plus qu’une mer déchaînée, heureuse, de sensations voluptueuses
à ce point, qu’il pouvait ne plus rien exister d’autre, dans la chair,
qu’un camion pourrait lentement arriver sur nous,
qu’on le verrait et en même temps, on ne le verrait pas,
qu’on ne ferait rien pour s’écarter de la trajectoire,
qu’on ne bougerait pas d’un pouce,
pour que rien ne change, là, dans l’instant,
pour que cela continue de la même manière, là, dans l’instant
et tant pis pour les instants suivants,
tant que celui-ci s’étire, comme cela, encore un moment