quel plaisir de vibrer au féminin,
dans une chair d’homme,
avec ce pénis qui pendouille entre mes jambes,
cette poitrine plate, même un peu poilue,
ce manque d’une ouverture comme une bouche à canon, de volupté,
tournée vers l’intérieur, en bas , par devant
il faut l’avoir vécu, au moins une fois, à pleine puissance,
pour comprendre à quel point, c’est glorieux, capiteux, sensuel,
jouissif, voluptueux,
transgressif, aussi, bien sûr
ce qui est, pour ainsi-dire, miraculeux,
c’est à quel point, il y a moyen de le faire,
à quel point, totalement, il y a moyen de le vivre,
sans avoir le corps et l’esprit d’une femme, aucunement
à quel point, ce corps,
qui semble ancré, coulé, dans le masculin,
qui semble claquemuré dans son genre,
peut s’en évader totalement, pour de longs moments
et vivre une toute autre nature,
frémir, vibrer, jouir, selon des règles différentes
à quel point,
tout cela est profondément enfoui, en chacun de nous
car je suis quelconque,
un mec tellement comme les autres,
pas une femme qui a atterri par erreur dans le corps d’un homme,
pas un homme qui a rêvé depuis toujours de vibrer au féminin
non,
juste quelqu’un qui a sauté sur une opportunité qu’il pressentait au fond de lui,
à forcer de s’explorer
armé d’une curiosité, de plus en plus, sans tabous
et qui a persisté,
qui a beaucoup, beaucoup, persisté
car, ne le cachons pas,
le cheminement a été long, très long
pour parvenir à ce résultat, tellement sans limites,
tellement cour des miracles
cour des miracles, oui,
c’est bien cela,
de parvenir à s’enchanter pour quelques instants,
d’une manière tellement radicale,
tellement fondamentalement différente
des plaisirs au masculin
quel secret, aussi,
quel doux, quel délicieux, secret à porter,
terrible, pervers, détraqué,
sans doute, aux yeux de certains
je n’en ai cure,
le féminin est là en moi,
je l’ai cultivé,
la petite graine que j’ai trouvé un jour,
je l’ai fait pousser patiemment,
la plante est resplendissante désormais,
immense, immense, tellement immense,
elle semble monter et se perdre instantanément dans le ciel,
parmi les nuages
quand je la laisse se déployer
oh, comme je l’aime
sentir m’envahir,
m’entraîner,
je semble plongé
dans une mer de volupté,
un océan de soie,
à la fois disloqué dedans
et réuni à moi-même,
tellement complice de ma chair
ma technique est à la fois
tellement improvisée
et tellement travaillée,
tellement au point