Plus je côtoie de personnes, plus je me rends compte que le consentement sexuel, qui paraît une attitude très simple de prime abord, n’est pas perçu de la même manière par tout le monde. C’est un vrai problème de société sur lequel je souhaite faire avancer les choses avec mes moyens.
Dans cet article, je vais essayer de traiter le fond de la question du consentement, donner des pistes d’échange de consentement mais aussi, en tout cas je l’espère, de vous faire réfléchir sur le sujet et sur la manière dont vous demander le consentement dans le cadre de vos relations sexuelles avec des partenaires.
Le consentement sexuel, une conduite qui n’est pas si évidente…
Très souvent des problèmes de consentement me sont remontés par le blog, twitter ou simplement en discutant avec des ami(e)s. C’est incroyablement commun, malheureusement, de trouver une personne qui a été agressée sexuellement.
Les impacts pour ces personnes sont importants car, qui dit manque de consentement dit traumatisme pour la victime, l’autre personne étant de facto, au mieux, un agresseur sexuel, au pire un violeur.
J’ai parlé sur le site de l’agression sexuelle d’une amie dans ces articles. Il en ressort que le fait de ne pas dire NON de manière explicite ne présume pas d’un quelconque consentement, il y a tout au mieux une suspicion de consentement sur lequel certains hommes ou certaines femmes jouent pour continuer et donc pour, au final, agresser sexuellement ou violer la victime.
Dans certaines situations, la personnalité de la personne “agressée” peut l’empêcher d’exprimer un NON catégorique et clair. Cela peut provenir de trauma passé, d’une influence psychologique de l’agresseur, d’une emprise, de la peur et l’envie d’en finir vite, de la position hiérarchique de l’agresseur, d’un état de conscience altéré … Il faut même, dans certains cas, du temps pour se rendre compte que l’on a été agressé, que l’on ne voulait pas faire quelque chose qui nous a été imposé.
Il me semble donc important et nécessaire de RE-penser fortement à la manière dont on communique avec un partenaire sexuel pour échanger le consentement, que ce soit au début de la relation sexuelle mais aussi pendant l’acte lui même.
En effet, un consentement se donne mais s’enlève aussi, même pendant l’acte. Ce n’est pas parce qu’une personne dit OUI au début qu’elle n’a pas le droit de se sentir mal ou dérangée, ou simplement de ne plus être dans l’esprit pendant. Elle doit pouvoir retirer son consentement sans créer de psychodrame.
Qu’est ce que le consentement sexuel ?
Le consentement sexuel, c’est l’expression à destination de son/ses partenaires de son propre accord (un OUI) pour démarrer ou aller plus loin dans une pratique sexuelle. Cet accord peut être oral (dans la plupart des cas) ou écrit (cela peut arriver dans des cas rares de pratiques engagés, notamment dans un cadre BDSM).
Quelle sont les caractéristiques du consentement sexuel ?
Le consentement doit alors être libre, informé, spécifique, révocable et enthousiaste.
- Libre: le consentement n’est recevable qu’en dehors des contraintes, des pressions qui peuvent être exercées par le pouvoir (financier, hiérarchique, rapport de force…), par les sentiments (chantages affectifs, se forcer pour faire plaisir, se sentir aimé). De même, on ne peut pas donner librement son consentement si on est inconscient ou dans un état mental altéré, par exemple si on est saoul ou sous l’emprise de la drogue.
- Informé: un rapport sexuel nécessite un minimum d’information. La contraception et la protection envers les IST sont des points essentiels à aborder. Les pratiques sexuelles inhabituelles pour au moins l’un des partenaires méritent une information au moins sur la sécurité de l’acte. Une mise au point par rapport au contexte sentimental est parfois nécessaire, exclusivité sexuelle ou amoureuse, engagement ou non. Il suffit qu’un des partenaires aie besoin de se situer pour que la communication soit indispensable. Si l’autre refuse le dialogue, et que c’est important pour vous c’est de l’abus. Si vous refusez le dialogue c’est un manque de respect.
- Spécifique: consentir à une pratique n’est pas consentir à tous les possibles. Accepter un baiser n’est pas consentir aux caresses. Solliciter une fellation n’est pas consentir à une pénétration. Consentir à une pénétration n’est pas accepter un baiser. Si vous croyez qu’accepter un dernier verre veut dire passer à la casserole, vous vous trompez. Votre partenaire ne le veut pas forcément. Faire comme si, n’empêchera d’ailleurs de proposer ou de consentir à la suite.
- Révocable: à tout moment chacun à le droit de dire NON, d’arrêter. Cela peut être frustrant, mais la frustration n’est rien à côté du vécu de viol de la personne qui n’a pas pu dire non ou même rien à côté de la culpabilité de celui qui a continué sans percevoir le non consentement. Laissez la liberté de dire NON, c’est renforcer la liberté de dire OUI.
- Enthousiaste: un OUI qui n’est pas clair c’est déjà un non. Établissez le dialogue. Prenez le temps de vous connecter à vos propres sensations, à votre partenaire. Le consentement est la clé de l’épanouissement.
Les modèles de consentement sexuels
Je baigne dans le milieu« Sex Positif » (ou SexPo) depuis des années, milieu dans lequel les activités sexuelles sont riches et variées, le consentement est donc totalement central à la démarche.
Le Kink Doctor Senzo m’a envoyé un tableau de source anonyme qui décrit les types de consentements en fonction des pratiques. J’ai modifié ce tableau pour plutôt parler des types d’accords qui engendrent le consentement car cela me semble plus clair exprimé comme cela :
De source volontairement anonyme, le tableau d’origine essayait de mettre en lumière la diversité des modalités du consentement à l’œuvre selon les cultures. Elles sont parfois relatives à certains styles relationnels, à des pratiques spécifiques ou des milieux/courants affirmés, positionnés sur les trois colonnes de droites. La première colonne correspond à cette norme sociale encore majoritaire, celle de la drague et de la romance. Loin de se prétendre exhaustif ou absolu, la comparaison des différentes approches vise à favoriser le dialogue interculturel et une meilleure compréhension entre des personnes sincères et toutes investies par ce sujet essentiel. Il y aurait aussi un risque à affirmer la supériorité de telle ou telle approche qui se dirait meilleure, au détriment des autres, méprisées ou jugées.
Peut-être ce tableau aidera-t-il à analyser les pratiques en fonction du référentiel moral dans lequel elles se déroulent : monogamie, hédonisme, exploration, valeurs égalitaires, etc. Car il peut arriver aussi que des souffrances résultent du plaquage sans nuance d’une grille d’interprétation extérieure, qui étiquette à tort et réduit au pire des pratiques bien vécues par les gens qui les maîtrisent. Il existe donc ici un enjeu : ne pas fabriquer du malheur là où il n’existe pas, ne pas faire preuve d’hégémonie en balayant des éthiques ou modes de respects pourtant bien en place. Voilà pourquoi sont valorisés les avantages de chaque logique de consentement, ce qui laissera ouvert le débat sur les inconvénients de chacune. Que ce tableau puisse enrichir ou faire réfléchir, et servir au nécessaires débats actuels et futurs, et il aura pu justifier son existence…
Il existe donc 4 façons d’envisager l’obtention du consentement.
- L’accord implicite : ce que la très très grande majorité de personnes utilisent et qui est à l’origine de la majeure partie des problèmes d’agression sexuelle et de viol. C’est typiquement le modèle qui ne fonctionne pas même s’il est majoritaire. Les personnes qui l’utilisent n’ont juste pas réfléchi plus que ça, ni n’ont été éduquées à un autre modèle. CE modèle comporte énormément de problème d’acceptation du refus, d’impossibilité d’être sûr du consentement.
- L’accord via interaction : C’est en effet, assez répandu dans le monde libertin. Cela consiste à partir du principe que c’est OUI quand il y a signal d’acceptation (geste ou invitation) jusqu’à ce qu’un NON soit formulé. Attention, malgré ce que l’on pourrait croire avec cette description, l’attention portée au consentement est TRES forte, et le NON peut être simplement le fait de lever la main, de faire un signe de tête. Il faut donc être à l’écoute de son partenaire qui, de toute façon s’il est expérimenté, saura de manière très explicite dire NON si le partenaire ne le/la respecte pas. Pour plus d’information, je vous invite lire cet article plus spécifique : Le consentement en milieu libertin.
- L’accord préalable cadré : c’est très courant dans le milieu BDSM car certaines pratiques empêchent de donner l’accord pendant l’activité (par exemple si l’on est attaché et bâillonné). Dans ce cadre ci- il faut négocier ce que l’on souhaite ET ce que l’on ne souhaite pas AVANT le jeu. Il y a toujours pendant le jeu un moyen d’arrêter au moyen de SAFE WORDS ou de gestes équivalents à un SAFE WORD. Il y a aussi toujours un debriefing à la fin du jeu si il y a eu utilisation de SAFE WORD (ou non d’ailleurs, le debriefing est toujours une bonne pratique).
- L’accord explicite “Pas à Pas” : c’est un mode de consentement très SexPo, en gros “Tant que c’est pas OUI, c’est NON”. C’est pour moi la meilleure des façons d’échanger les consentements, cela demande des personnes éduquées au problème du consentement et à l’aise avec la sexualité. Mais c’est définitivement le modèle le plus adapté et le plus sûr. Une fois qu’on le maitrise, c’est même très excitant de demander avant de faire.
Je trouve la reflexion sur ces quatre modèles très instructive.
Ma préférence va à l’accord explicite Pas à Pas que je pratique très souvent, et tout le temps avec une personne que je ne connais pas. Quand je libertine avec des personnes que je connais déjà (avec lesquelles j’ai déjà pratiqué une activité sexuelle), j’ai tendance à revenir sur un modèle via interaction ou un accord préalable cadré suivant l’activité que je fais.
C’est même quelque chose que j’utilise lors de mes ateliers sur le plaisir prostatique alors qu’il n’y a pas de contexte sexuel. La plupart du temps, il faut que je pose ma main sur le torse de la personne pour voir si elle respire correctement et pour la guider à améliorer sa respiration, dans ce cas, je demande toujours au participant s’il est ok pour que je pose ma main sur lui. C’est très protecteur et rassurant.
Le cas particulier du C-NC
Il y a un cas particulier sur le recueil du consentement qui est le cas du C-NC. Ces lettres signifient le Non Consentement Consensuel (Consensual Non-Consent). C’est un accord mutuel et global qui permet d’agir comme si le partenaire est toujours consentant pendant une activité. Le consentement est donné à l’avance, dans l’intention d’être pratiquement irrévocable dans la plupart des circonstances quelque soient les pratiques que la personne subit durant l’activité.
Le C-NC se pratique (pratiquement exclusivement) dans des milieux BDSM, où l’on souhaite effacer le pouvoir du NON. Evidemment, il est toujours nécessaire de poser une possibilité de retirer le consentement, l’utilisation d’un SAFE WORD (ou d’un geste particulier et reconnaissable en cas d’impossibilité de parler) permet d’arrêter instantanément le jeu. Cela peut paraitre bizarre mais c’est une règle absolue et respecté dans le milieu BDSM (si on n’aborde pas ce sujet avec vous fuyez immédiatement).
Les jeux de C-NC peuvent être des jeux de cordes, d’impact play (frapper dans un cadre sexuel son partenaire à l’aide d’un cravache … jusqu’au fouet), d’orgasmes forcés, de simulation d’enlèvement et de viol, etc … Ce sont des jeux ui interdisent l’improvisation, qui exigent une grande expérience et qui ne sont en AUCUN CAS ouverts à des débutants ou novices.
Soyons clair, la plupart des activités C-NC ne sont pas légales. L’impact play par exemple n’est pas légal en France, vous n’avez pas le droit d’attacher quelqu’un et d’utiliser une cravache, badine ou fouet sur lui d’un point de vue juridique. C’est pour cela que le consentement doit être clair, net et précis entre partenaires dans ce genre d’activité (et quand on ne connait pas la personne écrit).
Le principe des SAFE WORDS
Un SAFE WORD est un mot que l’on prononce et qui est d’une importance et d’une priorité absolue par rapport au jeu. En gros, le SAFE WORD est un maitre mot qui retire le consentement de manière immédiate et stoppe le jeu instantanément.
Pour être tout à fait précis, en général on choisit deux SAFE WORDS, celui qui donne l’indication que c’était trop mais que l’on peut continuer le jeu, et celui qui indique que le consentement est retiré et que le jeu soit s’arrêter IMMEDIATEMENT. Un SAFE WORD doit être facile à se rappeler, n’utilisez pas des mots que l’on peut oublier dans le jeu, ce serait ballot (et surtout risqué).
De mon coté, j’aime utiliser des SAFE WORD que l’on en peut pas oublier même dans un étant mental altéré à cause de la douleur (si on est attaché par exemple). J’utilise donc les SAFE WORDS super courant que sont “JAUNE” pour indiquer que c’était trop intense mais que le jeu peut continuer quand même, et “ROUGE” pour indiquer que ma limite est dépassée et qu’il faut arrêter le jeu.
Quelques questions/réponses sur le consentement
Je t’ai embrassée donc je peux te pénétrer non ?
NON, sans demander à l’avance, ce n’est pas parce que vous avez pu embrasser un/une partenaire que celui ci est ok pour se faire pénétrer ou pour de la génitalité de manière plus générale.
Accepter un baiser n’est pas consentir aux caresses. Solliciter une fellation n’est pas consentir à une pénétration. Consentir à une pénétration n’est pas accepter un baiser. Si vous croyez qu’accepter un dernier verre veut dire passer à la casserole, vous vous trompez. Votre partenaire ne le veut pas forcément.
Mon partenaire ne m’a pas dit NON explicitement, c’est qu’il/elle est d’accord ?
NON, vous prenez le risque que le consentement ne soit pas réel et donc que ce soit une agression sexuelle voire un viol. Vous utilisez le système de l’accord implicite qui est défaillant et incomplet, demandez lui explicitement.
Est-ce que je peux librement pénétrer ma compagne pendant quelle dors ?
NON, il s’agit simplement et purement d’un viol. En dormant, elle n’est pas capable de donner son consentement, cela rentre donc définitivement dans le cadre d’un viol pur et dur.
La réponse à la question peut être OUI à une seule condition, d’avoir fait un accord préalable cadré avant de s’endormir pour autoriser explicitement le partenaire à le faire. En effet, ce genre de scénarios de se faire pénétrer en dormant ou de se faire réveiller par un coït peut être un fantasme pour les deux partenaires, et donc librement consenti.
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Mille mercis à vous d’avoir lu ce paragraphe.
Bonjour,
Merci pour cet article.
“Le consentement” est aussi le titre d’un livre, celui de VANESSA SPRINGORA.
Tout a fait, l’article ne traite pas du tout de l’abus des adultes sur des mineurs. Je reste dans le cadre du site qui parle de sexualité ludique entre adultes.
J’ai énormément apprécié la série de 4 articles d’Eulalie que tu as publiés ici, parce qu’elle explorait de façon intime et complexe le sujet du consentement. C’était évidemment une exploration individuelle à laquelle l’autrice ne prêtait aucune valeur universelle, sinon celle d’être un exemple permettant d’éclairer la réflexion d’autrui.
Nous sommes des êtres humains, et avec cela vient une complexité que je ne retrouve pas dans ces grilles : choisissez votre couleur : gris, vert, rouge ou bleu ?
Ce qui nous transforme en agresseurs ou en violeurs, ce n’est pas de ne pas avoir posés ces règles de consentement explicite avant de jouer, c’est ce que nous avons fait du non-consentement (implicite ou explicite) : le choix de ne pas les écouter, de les minorer.
Alors, oui, pourquoi pas des règles avec des cases quand on ne sait pas faire autrement, mais ce qui me paraît primordial, c’est d’apprendre aux gens à s’écouter les uns les autres.