Adam : La photo d’illustration est du photographe Jérôme Deya et fait partie de son exposition “À mon corps dérangeant” Galerie FAIT & CAUSE – Paris 2014
La porte automatique s’ouvre. Il est là. Allongé sur ce sol qui ne semble faire qu’un avec lui. L’appartement est surélevé. Je rentre.
Pourquoi précipiter cette rencontre? Je ne sais pas. Je la sens évidente et primordiale. Il y a des moments dans la vie à savourer vite.
Il est là, lui l’homme d’un mètre quinze qui chausse du 28 comme mon petit garçon. Hier j’avais peur du dégoût, de la pitié ou des pleurs possibles devant cet être, en culpabilisant de ces éventuelles réactions. Aujourd’hui, il me faut le rencontrer, une nécessité vitale voire même viscérale.
Je rentre donc. Là, nulle crainte, il est Lui: un corps que je qualifierais de “curiosité anatomique” et surtout un Homme. Un homme que je sens déjà capable d’aimer comme aucun autre sur cette terre, une perle qui me sera indispensable toute ma vie.
Je sais que cet être ne rentre pas dans les normes que j’ai érigées en matière d’amants et encore moins dans celles que cette société nous impose. Il n’est pas l’Africain de plus d’un mètre quatre-vingt-cinq aux pieds puissamment ancrés dans le sol sur lequel je fantasme.
L’homme qui est devant moi ne me prendra jamais sauvagement en levrette sur un parking non plus. Mais je sais que ses longs doigts sauront autant que ceux de ces autres hommes me faire hurler de bonheur. Je sais que nos orgasmes auront plus de valeur que ceux rapides et faciles obtenus dans des bras valides. Je pressens surtout que notre histoire d’amour sera la plus belle et la plus intense de ma courte vie….
Ce jour-là je me suis offerte corps et âme pour la seule fois de ma vie. Notre union sensuelle était une évidence pour moi. Je ne voyais que l’homme merveilleux dont j’étais déjà très amoureuse, je ne voyais pas l’homme souffrant d’ostéogénèse imparfaite aux courbes improbables. Notre relation n’a duré que quelques mois puis a évolué vers une fabuleuse amitié amoureuse qui résiste à tout encore aujourd’hui.
Il m’appelle sa “Magicienne” et je lui ai offert une création en bois pour ne jamais oublier quel être merveilleux il est. Explorer son corps, le mettre nu, l’enlacer, le boire, le faire devenir Homme désirable et désiré, homme sensuellement comblé n’a pas été très difficile. Ma gaieté et mon imagination naturelle mêlées à notre envie commune de nous offrir le meilleur ont fait que l’alchimie est arrivée. Vous ne pouvez savoir comme il est beau lorsque ses yeux brillent après m’avoir vu jouir et avant qu’il ne m’embrasse…
La souffrance et la colère je l’ai eu contre certains proches qui osaient insulter notre amour parce que “tu vas pas te faire chier avec un handi quand même”!! Moi je n’ai jamais vu un homme inférieur à un autre dans cet être génial. Il était mon Amour, le corps qui me faisait jouir et que j’émouvais.
Pourquoi en 2015 doit-on encore se battre pour que la sensualité, le sexe, le désir et l’amour ne soient réservés qu’à des humains entrant dans des normes physiques? Le chemin est long encore pour cette reconnaissance. Avant de coller une étiquette écoutez. Avant de juger mettez-vous à la place de votre interlocuteur.
Je remercie encore une fois Adam d’ouvrir le débat.
Manganinnie
très beau texte, au delà des corps, de leurs formes. Juste sentir le désir dans les yeux de l’autre, différent d’une envi rapide.
Merci pour ce très beau texte et pour explorer des terrains tabous. Je me souviens avoir ressenti un désir immense pour un homme fracassé physiquement, abîmé, “enlaidi” diraient certains et très handicapé par un accident (je dis un, il y en a eu deux en fait, maintenant que j’y pense). J’ai conscience depuis que le désir, l’amour de l’autre, se nourri de bien autre chose que l’érotisme conventionnel. Merci de nous le rappeler ici.
Que cela est beau 🙂
Et oui manganinie tu es bien une magicienne ! Tu lui as permis d’exister !
Quand dans la nuit tu t’agites avec une lampe, un phare, un bouquet et pendant des années personne ne te voient,
Puis un jour une ou un perçoit nos signaux, s’approche et nous embrasse, nous enlace et donne forme à notre amour tu ne peux même pas imaginer à quel point ca réchauffe notre coeur, à quel point ca nous permet simplement d’exister.
Enfin quelqu’un qui reconnait le bouquet de fleur qu’on tend désespérément au monde depuis nos 17 ans.
Je disais que tu ne pouvais pas l’imaginer mais tu l’as ressenti et c’est bien mieux encore car l’amour est au delà des mots, de l’espace, des temps et de la forme.
Pour d’autres et à titre de participation je prend un peu plus la parole à titre d’humain de sexe mâle affublé par certains du terme handicapé pour vous raconter un point de vue du quotidien :
J’ai eu la chance dans ma vie de rencontrer 4 merveilleuses femmes qui ne voyait en moi que mes yeux, mon coeur et ma fougue, peut être même ma rage de vivre, 1 a disparu, 1 a repris son chemin, 1 est devenu ma meilleure amie, ma soeur et fleuri dans les bras d’un autre jardinier que moi, la 4éme est toujours ma mie même si des fois j’aimerai la repousser au loin
Souvent je lis des récits de gens dit valide sur leur amour pour des gens dit handi mais pas assez souvent dans l’autre sens. Car le drame et les barrières à effacer sont des deux cotés. Depuis mon fauteuil, je vois une naïade, une nymphe, déesse immense et ce que je vois de moi “sur le retour cam” n’est pas plus qu’un vieux troll tout tordu. Au mieux un demi humain incapable de la porter, incapable de se porter.
L’Amour est beau, bien sur mais c’est difficile le tout les jours. Vivre avec sa non normalité (je préfère à handicap) on s’y habitue, la faire vivre à travers plein de petit soucis à un être aimé c’est une autre blague.
“Oui mais tu as dépassé tout ça” …mdr, oui bien sur 9 jours sur 10, le drame dans la vie c’est que le 10 éme jours vient toujours. Cette journée ou tout s’obscurcit, ou le vieux troll tordu reprend le dessus et envoie tout cassé, ou quelque chose en toi te regardes, te juges et à envie d’en finir, alors tu met tout en place pour que l’autre fui, loin très loin de tes jambes toute tordues
Ca arrive comme ça, tout allait bien, mais tu as glissé en apportant le café, tu t’essoufles en montant les escaliers, elle reviens des courses et tu ne peux pas l’aider …tout est bon pour devenir un gros con.
Je ne sais pas ce que pensent les autres personnes qui sont nommées handicapées, car c’est bien une invention de valide de vouloir faire la différence entre le commun et le non commun, car finalement cette histoire d’handicap, de normalité ce n’est pas plus qu’une histoire de nombre
Les plus nombreux dans une difformité commune classe les autres difformité moins commune comme des anormaux et hop le tour est joué.
Il n’y a pas les handicapés d’un coté les valides de l’autre, il y a des humains qui y voient bien d’autres moins bien, des humains qui dansent, marchent, courent et d’autres qui font trois pas vers un ordi et c’est bien assez pour aujourd’hui, il y a des humains qui chantent à tue tête des chansons à la con et d’autres qui en simplement fermant les yeux hurlent des maux d’amour que personnes ne veut entendre, il y a des humains qui font 2 mètres et tapent sur les plus petits les riquiqui d’un mètre cinquante qui feraient pareil s’il faisait un mètre de plus.
Les non conformes ne sont pas une sous ou une sur classe de l’humain ce sont justes des humains non conventionnels ce que nous pouvons tous être à notre façon en osant sorti des cadres qu’on nous a appris et afficher au grands jours ce que nous sommes derrière nos masques illusoire de la normalité
et hop !
lol merci Adam pour avoir invité cette demoiselle qui m’a motivé pour le faire ce foutu papier sur handicap et sexualité 🙂
Quel texte génial. Il me donne des frissons d’envie. En effet, je suis moi-même une personne lourdement handicapée et totalement dépendant à cause d’une myopathie. Mais, cela n’empêche, même à 53 ans, j’estime que je suis un homme comme les autres, capable de donner et de recevoir de la tendresse, de l’érotisme, du sexe, à défaut d’amour et de vie de couple. Et pourquoi pas après tout. Finalement, handicap ou pas, on est tout le fruit d’une histoire de cul. Alors, pourquoi cela s’est-il autant de problème. À un certain moment, pour se connaître, même avec un handicap, pour savoir qui on est, il faut être deux et oser la rencontre. Bien sûr il faut s’adapter réciproquement, en fonction du handicap du partenaire. Mais ce n’est pas un obstacle nécessairement. C’est la possibilité de faire de nouvelles expériences qui peuvent apporter à chacun des partenaires qui sont, à un moment donné, en corps-accord. Cela, c’est de l’ordre de l’intime, de l’expérience humaine de la rencontre et de la relation entre deux êtres consentants. Merci encore pour ce texte.
Lejague, Marion, Renaud et Vincent merci à vous pour ces commentaires si merveilleux. On se sent unis pour faire de ce monde un univers qui en vaut la peine. Au-delà des différences. Dans la confiance, l’amour et la joie. Je vous adore.
Merci pour vos commentaires, ils me touchent, vous savez que NXPL est un blog militant pour que tous et toutes puissions avoir une sexualité non jugée, respectée, comprise et valorisée quelque que soit cette sexualité, quelques soit notre couleur, nos origines, nos problèmes ou nos physiques. L’amour et le sexe sont universel, beaux et positifs. Aimons nous tous, les uns les autres pour reprendre un slogan connu, rendons le monde plus apaisé tous ensemble ! Le cheminement ne fait que commencer mais nous gagnerons un jour, peu importe quand, contre l’obscurantisme, les rétrogrades, les conservateurs et les fous. Comptez sur moi pour continuer.
T’as intérêt 🙂
L’amour n’a pas de frontière.
L’amour va au-delà des préjugés,
Magnifique texte encore Manganninie