Quand nous avons lu la demande de témoignage d’Adam sur Twitter, nous nous sommes tout de suite reconnus. La recherche était simple, il souhaitait un témoignage sur le thème de la vie sexuelle face au cancer.
Alors forcément, nous nous sommes sentis concernés. L’envie de témoigner, l’envie de partager notre expérience sur ce sujet nous tenait à cœur depuis un moment, mais nous ne savions pas comment faire, nous ne pensions pas que cela pourrait intéresser quelqu’un.
Alors, par où commencer ?
Qui sommes nous ?
Le début peut-être, nous sommes un couple, la cinquantaine aujourd’hui, marié depuis 21 ans. Nous nous sommes rencontrés au travail, comme c’est banal. Nous n’avions pas encore trente ans.
Nous étions tous les deux blessés par un premier mariage et nous nous étions promis que plus jamais. Et pourtant, lorsque nous nous sommes rencontrés tout était évident, facile. Nous emménagions ensemble au bout de quelques mois et il ne nous a fallu que deux années pour nous marier et pour avoir notre premier enfant.
Sexuellement, nous nous sommes également entendus immédiatement. D’abord timide puis nous avons évolué, nous avons réussi à échanger, parler de nos envies, de nos fantasmes… Moi, X., surtout au départ. J’ai fait ça par écrit, des mails avec des récits à l’intérieur pour ne pas avoir à affronter son regard en face à face. Un peu lâche probablement. Ou tout simplement du mal à assumer mes désirs.
Ces écrits nous ont emmené à la découverte des plaisirs de l’exhibition, puis les clubs libertins et de cette pratique dont nous ne découvrirons le nom que bien des années plus tard, le candaulisme. Et oui, comme tout bon candauliste ma femme est ma déesse, mon inspiration, la source de tous mes désirs, de tous mes fantasmes et de mon plaisir. Et quel plaisir que de la voir jouir dans les bras d’un autre.
Nous avons fait quelques rencontres, quelques sorties en club, mais ce n’était absolument pas une nécessité pour nous, juste une parenthèse que nous nous offrions de temps en temps pour nous échapper de la réalité et du quotidien. D’ailleurs, les sorties en club nous permettaient surtout de nous retrouver en amoureux. Cela peut paraître étrange pour certains, d’autres comprendront sans difficulté.
Quel plaisir que de se préparer pour plaire à l’être que l’on aime dans l’espoir de le séduire encore et encore, de le troubler, de la provoquer… Et puis, quand vous êtes également parents, vous savez ce que c’est, les enfants grandissent et, terminé la tranquillité à la maison. On ne peut plus se lâcher comme on veut, on a peur de faire du bruit ou pire d’être surpris.
Alors, lors de ces soirées, on profite à fond. La complicité et le dialogue ont toujours été nos principaux supports et notre force pour être toujours plus complice et amoureux. En plus cela ne faisait que renforcer notre amour et notre désir l’un pour l’autre.
Un peu plus d’une dizaine année de pur bonheur. Épanouis professionnellement, en tant que parent, en tant que couple et en tant qu’amants, bref le bonheur le plus total et puis l’annonce… Ce jour de 2013… madame, vous avez un cancer…
Notre monde s’écroule
Le monde s’écroule, l’issue est incertaine. Ce cancer est rare pour ne pas dire extrêmement rare, une vingtaine de cas par an en France. Il est là depuis un moment déjà et a atteint un stade qui fait douter de l’avenir. Les enfants sont jeunes, mais en âge de comprendre. Le plus jeune à tout de même 10 ans déjà. Nous tâchons de les protéger du mieux que nous pouvons.
Nous refusons de nous laisser abattre. Souder comme jamais, nous décidons d’affronter la vie et nous continuons même à sortir et à faire des rencontres durant les quelques semaines qui séparent l’annonce de l’opération. Dans le même temps, tu te poses des questions que tu ne pensais pas te poser un jour dans ta vie.
Tu essayes d’envisager le pire, comment tu le diras à tes enfants, à ses parents. Comment tu pourras t’organiser pour continuer à travailler et à prendre soin des tiens. Un système de pensée à froid, qui prend du recul presque sans toi parce qu’à ce moment-là, de toute façon, tu n’as pas le choix, tu ne sais pas de quoi sera fait demain et tu te dis qu’il faut essayer de se préparer un minimum à affronter le pire, même si au fond de toi, tu espères le meilleur.
Et puis l’intervention. La tumeur a pu être enlevée et commence la suite, le traitement « curatif » comme ils disent pour éviter les récidives. Les aller-retour à l’hôpital pour « subir », pardon, pour recevoir le traitement. La fatigue, la perte de poids, le corps qui ne réagi plus comme on en avait l’habitude.
la vie sexuelle face au cancer, seule compte la survie
À ce moment-là, le sexe est oublié, le désir est à zéro tout comme la libido. Seule compte la survie et prendre soin de l’autre. J’ai la chance d’avoir une femme exceptionnelle et courageuse. Elle affronte tout cela avec philosophie et tente de sourire chaque jour même si elle doute parfois qu’être encore en vie est ce qu’il y avait de mieux.
Dans son cas, comme dans beaucoup, les conséquences physiques sont conséquentes. Elle ne sera plus jamais comme avant. Les mois passent et permettent la reconstruction, le retour à la vie et pourtant on le sait, les médecins ont été clairs, pour ce cancer, on n’entendra jamais les mots « vous êtes guéris » ou vous êtes en rémission.
Non, ils l’ont dit, il restera dans notre vie pour toujours. Madame devra être surveillée régulièrement et à vie. Compliqué de se reconstruire comme ça, quand tous les trois mois, on te replonge dans ta maladie. Compliqué d’avoir du désir quand on ne sait pas de quoi sera fait demain, même si tout le monde s’accorde à dire que frôler la mort, il n’y a rien de tel pour se sentir vivant.
Comment faire pour se relancer ?
Les mois passent, elle passe en mode guerrière. Elle veut reprendre en main sa vie et ne plus passer à côté. Moins d’un an après, elle reprend le travail. Alors, on avance ensemble comme toujours. Après des mois où toute sexualité a été mise de côté, laissant la place uniquement à la tendresse, la douceur, la patience et le soutien, comment faire pour se relancer.
Nos corps ont pourtant envie l’un de l’autre, nos âmes et nos cœurs aussi, mais après des mois à mettre le désir de côté, c’est comme s’il avait disparu. Je tente des « choses » pour nous relancer, beaucoup de douceur dans un premier temps.
Dormir nu par exemple, le simple plaisir de retrouver la chaleur du corps de l’autre puis les caresses et enfin l’union de nos corps. Pour être tout à fait honnête, ça n’a pas été simple. Même si le désir était au fond de nous, le retour à l’intimité de nos deux corps étaient compliqués.
Alors, on a plongé dans nos souvenirs… les folies que nous avions faites. Nous avons petit à petit retrouvé une sexualité à deux, régulière, puis nous avons recommencé à jouer, entre nous. Il s’est passé, je dirais, quatre ans avant que l’envie de vivre, non l’envie de bouffer la vie et ses plaisirs reviennent et là, ce fut le retour d’une sexualité totalement débridée.
Profiter de la vie, une sexualité débridée
Nous avons recommencé à sortir en club d’abord, pour pouvoir nous lâcher et renouer avec le milieu. Puis les rencontres, beaucoup de rencontres… puis une frénésie de sortie, nous allions en club tous les 15 jours à peu près et au sauna quasiment toutes les semaines quand ce n’était pas plusieurs fois.
Nous avons expérimenté tout ce dont nous avions envie, sans limites… ce fut une période très riche sexuellement. Plus nous sortions, plus nous avions envie l’un de l’autre… la période la plus folle de notre vie…
L’enfer des rechutes, mais on ne se laisse pas abattre
Et comme je l’écrivais plus haut, Mme est suivie, régulièrement… alors un jour, je dirais deux ans après avoir retrouvé cette folle envie de croquer la vie, les mots sont tombés… Mme, vous avez une nouvelle tumeur, au cerveau cette fois… Je n’étais pas là, j’étais en formation à l’autre bout de la France…
J’ai tout abandonné pour rentrer au plus vite et nous avons recommencé à nous battre… ensemble. Mais le doute sur l’avenir, replonger là-dedans, a remis un frein à nos envies. J’ai presque envie de dire évidemment. Cette tumeur a également pu être traitée, une intervention moins invasive par radiochirurgie. Une technologie innovante. Pas de chimio, pas de rayon après, inutile pour ce type de tumeur.
Nous avons ensuite essayé de reprendre une vie « normale », mais les mois se suivent et de nouveau, à peu près un an plus tard, nouvelle tumeur…. Puis une tous les ans… Le corps et le moral se fatiguent. Au-delà du cancer, l’accumulation amène Mme plus loin dans la dépression, son corps n’en peut plus et le lui fait savoir, nouvelle maladie qui s’appelle la fibromyalgie, maladie invalidante qui vous oblige à arrêter de travailler… ce genre de handicap invisible qui vous bousille la vie…
Mais là encore, nous refusons de nous laisser abattre, nous nous battons ensemble. Je reste là, à ses côtés, à son écoute pour l’aider et l’accompagner du mieux que je peux. Juste être présent et essayer de la tirer vers le haut… encore quelques mois, années compliquées… plus de sortie en club, sauna ou de rencontre, le corps n’est plus ce qu’il était et ne permet plus ce genre de folie… mais nous nous retrouvons quand même, nos corps se retrouvent, au-delà de la maladie, au-delà de la dépression…
La vie gagne, la sexualité reprend et se transforme
Malgré tout, toujours cette envie de vivre et de profiter l’un de l’autre. Mme, très joueuse et me connaissant bien, recommence à explorer son côté « exhibe », nous réinventons des jeux, mais entre nous cette fois… plus de partage. Mais, déjà, ça n’a jamais été une nécessité pour nous, mais là, nous avons juste envie de rester dans notre bulle à tous les deux.
Je ne vais pas vous mentir, ce n’est pas la sexualité de nos 30 ans ou de nos 40 ans… mais malgré ces épreuves, malgré ce que le corps de ma femme a subi, nous continuons à avoir du désir et de l’envie l’un pour l’autre.
Nous avons retrouvé une libido qui nous permet, par moment, d’être très joueur l’un avec l’autre et de découvrir encore de nouveaux « terrains de jeux ». Ce n’est pas toujours simple, mais avec beaucoup d’amour, de douceur, de patience, d’écoute tout reste possible.
Note d’Adam :
Merci à vous pour ce magnifique témoignage, intime, honnête, mais plein d’espoir pour les personnes atteintes aussi d’une maladie grave. Merci d’avoir répondu positivement à ma demande, c’est très important pour moi, de donner de l’information et de l’espoir à des personnes qui en ont plus que besoin sur la vie sexuelle face au cancer.
J’ai connu le cancer dans ma famille proche, plusieurs fois aussi, et je sais, j’ai vu à quel point c’est très compliqué à gérer. Alors, votre témoignage est une chose très importante. Merci à vous et merci aux lecteurs et lectrices de le faire circuler si vous pensez que cela peut aider quelqu’un dans votre entourage 🙏.
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