J’avais 33 ans, un âge moyen, une vie normale, normée, femme, cis, cisnormée, épouse, exclusive, monocentrée, visibilisée comme hétéro, heteronormée, mère de deux enfants (la moyenne), classe sociale moyenne, fonctionnaire, soignante ( ce qu’on attend d’une femme), blanche, valide, française… Ordinaire. Mais pas en phase avec moi. Bref, carrément pas polyamoureuse…
En réalité sans doute trop en phase avec la société, ce qu’elle attend de moi, ce que les autres attendent de moi, mon mari, ma famille, mes parents pour être alignée avec ma personnalité profonde. Quand bien même elle existerait écrasée par les attentes. J’avais envie d’extraordinaire.
Une pulsion de vie forte, corrélée aux angoisses de morts que le monde traversait à cause de la montée du covid.
Je faisais du théâtre
Pour continuer de jouer un rôle, mais le choisir. Je suis tombée sous le charme d’un ami comédien. Il connaissait le plaisir clitoridien, mieux que moi à priori. Il était libre, créatif.
Ce n’était pas une trahison. Mon mari et moi avions convenu que si nous en avions le besoin nous pouvions nous permettre la non exclusivité en protégeant l’autre: en ne lui disant rien. Mais je le vivais comme un adultère, d’ailleurs qui nous aurait surpris l’aurai pris comme tel.
Du sexe entre amis, la rencontre d’un autre corps, une autre peau, un autre imaginaire, d’autres fantasmes. J’ai commencé à déconstruire ma vision coïto-centrée du sexe.
La sexualité est un monde riche et non seulement les corps sont différents, avec une sensibilité et des plaisirs propres, mais encore ils sont sensibles à la rencontre de l’autre. Je faisais l’expérience que mon organisme, mes émotions que mes fantasmes ne réagissent pas de la même manière en fonction du moment et de la personne que j’avais contre moi.
Devant mes désirs multiples et mes plaisirs multiples, je me suis interrogée. J’ai lu. J’avais le temps, confinement. J’ai entendu parler de plaisir clitoridien, utérin, prostatique, de rewiring d’autres parties du corps, d’orgasmes énergétiques, spirituels…
En posant 1000 questions sur des forums j’ai rencontré 2 hommes. Le premier me parlait tantrisme me fascinait par l’élégance de sa sexualité.
Le second me faisait vibrer par sa curiosité insatiable, soeur de la mienne. Il semblait avoir tout vu, tout exploré, le plaisir prostatique, les sextoys, l’hypnose, le monde du libertinage, le BDSM, les sex toys… je lui ai demandé de m’enseigner… Je ne m’explique pas la simplicité de nos rencontres.
D’abord sur la toile, par les mots, puis rapidement après le déconfinement par nos corps. Des évidences. Comme si le destin n’attendais qu’une ouverture de la part de mes yeux pour les mettre devant moi. Une connexion sexuelle rare, forte, impressionnante. J’étais épanouie, addict.
Je suis devenue libertine
J’ai déconstruit ma vision de la sexualité exclusive. Convaincue que l’exclusivité sexuelle n’était qu’une norme que la société nous impose pour simplifier et mieux contrôler nos vies. Mais que pour nombre d’entre nous, notre épanouissement réside dans la liberté d’explorer nos corps et nos capacités à se lier à d’autres.
En tout cas, éprouver ma capacité à épouser d’autres personnes par le moyen de nos corps désirants me rendait et me rends heureuse, me donne le sentiment d’être à ma place.
Loin des clichés de consommation sexuelle sans âme, je découvrais un univers libertin fait de liberté, de sincérité, de respect et de plaisirs, et cela m’enthousiasmait. J’en ai parlé à mon mari, qui a eu ces mots incroyables : “je te connais, je savais que tu avais besoin de cela. Je suis d’accord.”
Nous avons posé des règles, sur la fréquence de mes activités, sur ce que je raconte ou non, sur la protection vis à vis des IST. Et j’ai continué de vivre mes aventures sexuelles avec ces hommes. Et je suis tombée amoureuse… Encore plus de mon mari… Et de mon ami aussi, puis plus tard de ces deux autres hommes.
Chacun des quatre étant pourtant si différents et eux même ne me témoignant pas le même type d’attachement. Improbable, pour moi qui n’avais aimé qu’un homme en 15 ans. Je faisais l’expérience que l’amour nourrit l’amour. Je le sentais. Le bonheur des connexions virtuelles, par les mots, le bonheur de lire leurs messages.
L’extase de nos retrouvailles, célébrées par la jouissance de nos corps. J’ai commencé à déconstruire ma vision de l’amour. Après tout, j’avais déjà fait cette expérience de la fidélité malgré la pluralité de l’amour: à la naissance de chacun de mes deux enfants. Je n’ai ni cessé d’aimer mon mari, ni mon aîné à la naissance du second.
Bien-sûr le lien à souffert, j’ai eu moins de temps, moins de disponibilité dans les premiers mois, mais je les aime. Et je les aime même différemment, en le vivant et en l’exprimant de manière différentes, car ce sont des personnes différentes. C’est comparable.
Ces hommes sont différents, ils m’apportent des énergies, des expériences différentes. Je leur en offre des différentes encore. Nous partageons, nous créons. Nous faisons circuler différentes formes d’amour. C’est beau. Et cela me rend heureuse.
Cela ne marche que si la communication est sincère. Que la transparence est travaillée. Cela ne marche que si nous sommes clairs sur nos attentes, nos engagements.
La fidélité c’est la loyauté à nos engagements. Je ne suis pas engagée de la même manière envers chacun d’eux. Eux non plus envers moi. Chacun ses responsabilités. Chacun ses devoirs, mais il est tellement plus sain d’en avoir conscience et d’avoir le sentiment de l’avoir choisi en paix.
Je suis engagée à la loyauté envers mon mari, à la solidarité, dans la souffrance et la maladie. Je suis engagée à construire notre foyer, à l’éducation de nos enfants. Avec un autre aimé, je me suis engagée à créer un lien, un lien que nous pensons durable, parfois la vie nous séparera mais nous nous aimons et nous ferons vivre ce lien par la sincérité dans notre communication. Avec un autre, nous ne sommes pas engagés dans le temps, mais dans l’instant T de notre histoire nous nous promettons une communication sincère.
Je suis devenue polyamoureuse
Et parce que même parfois je refuse de hiérarchiser mes relations et que parfois je peine à les qualifier, je peux me déterminer anarchiste relationnelle, anarelle.
J’ai lu sur la notion, participé à des rencontres de personnes polyamoureuses, découvert une communauté qui a mes valeurs en ce qui concerne l’amour, le respect et la communication. Et j’ai rencontré cette femme… Une autre évidence, moi qui me savais pansexuelle.
J’ai déconstruit mon hétérosexualité. Elle me plaisait, mais elle ne voulait pas de moi. Je me présentais comme libertine. Je mettais ma sexualité en avant. Elle m’a crue superficielle, peut-être trop masculine aussi. J’ai pris le temps, de me faire comprendre, de me faire accepter.
Elle a une histoire complexe et a du se battre plus d’une fois pour se faire accepter telle qu’elle est. Elle est une inspiration pour moi. Moi aussi je devais me battre pour faire reconnaître qui j’étais. Trouver la force de faire mon coming out de polyamoureuse auprès de mon mari déjà.
Alors qu’il ne voulait pas connaître de détails, j’ai du enfreindre cette règle pour un détail qui n’en est pas un: je les aime ces hommes, j’aime cette femme. Je veux avoir le droit de les aimer. D’être polyamoureuse. Mon mari a cru que le ciel s’effondrait sur lui… Du cul d’accord… Mais de l’amour ?
Je lui ai expliqué ces nouveaux mots que je découvrais: la compersion, l’énergie de nouvelle rencontre, je l’ai incité à oser développer de l’intimité avec une autre pour mieux sentir, qu’il m’aimerait toujours, même si il en aime une autre. Et que l’amour même pluriel peut être sincère, fort et qu’il rend heureux.
Nous cheminons encore ensemble sur la déconstruction de l’amour romantique (et capitaliste) qui veut que l’amour est corrélée à la possessivité. L’amour, la liberté, la sincérité, la sensualité… J’explore, je chemine, je me sens vivante.
Aujourd’hui, je suis libertine et polyamoureuse
Aujourd’hui j’ai 35 ans, je ne me reconnais plus uniquement dans le genre féminin, je suis pansexuelle, je suis libertine, polyamoureuse, je suis mariée, mère, audacieuse, libre, vivante… Je suis multiforme et en évolution. Je suis moi. Pendant 2 ans j’ai su trouver et créer de l’extraordinaire dans l’ordinaire. Je suis plus originale, et parfois en marge, mais je suis plus heureuse… Et je compte continuer d’avancer.
Illustration : Dainis Graveris (SexualAlpha)
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Mille mercis à vous d’avoir lu ce paragraphe.
Bonjour
Quel beau chemin, Eulalie!
C’est beau ce que vous avez fait avec votre mari, d’accepter le changement , la remise en question, le risque, de passer outre ses peurs, ses angoisses façonnés par notre éducation , par les conventions. Bravo. Je suis également tiraillé, tous les jours, par des envies, de la joie, des rencontres, des découvertes, mais ça coince tellement du côté de ma femme. La frustration me gagne, de plus en plus, malgré ma vie confortable. Au plaisir de relire vos mots.