Il me propose du Shibari sans sexe. Je suis une obsédée sexuelle, apparemment tout le monde ne l’est pas.
Il me propose une première session en Jam. Il y aura du monde autours. C’est prudent. C’est bien.
La nudité et la sexualité sont proscrites. C’est sage. Tant pis.
Il est bel homme, il a un bon niveau. Je n’ai presque jamais fait de cordes sans sexualité, rarement en Jam de Shibari.
Cela me fait envie. J’y vais.
La Jam de Shibari
J’arrive au moment où ils posent le cadre. La pièce est grande, suffisamment chauffée. La lumière n’est pas trop forte. Il y a des échafaudages pour tenir des bambous à l’horizontale. Qui tiendront des corps humains encordés en suspensions.
Ils rappellent que tout se fait en conscience et en consentement. Qu’il y a des organisateurs si besoin d’aide. Qu’il s’agit de respecter la quiétude de l’espace de jeu.
Il m’invite à prendre place sous un bambou. Nous nous installons à genoux l’un en face de l’autre. On discute des limites, des envies. Des précautions de sécurité. Je lui dis que je n’ai pas de soucis de santé ou de douleurs, que je n’ai jamais eu de cordes autours du cou et que cela m’impressionne, que je n’en ai jamais eu sur le visage et que cela m’intrigue. Il écoute. Il est peu expressif aussi, je guette la lumière dans son regard.
Nous commençons… Premières cordes de Shibari sur ma peau. Cela fait si longtemps. De la jute. Ça frotte. Caresses saisissantes. Je choisis de fermer les yeux pour mieux sentir. J’avais oublié. J’aime.
La corde glisse derrière mon dos. Me tire sur le côté, me déséquilibre. Une corde glisse autours de mon cou. J’observe. Je sens qu’il observe. Une corde se referme sur mes épaules. Première contrainte ferme. Je me laisse étreindre. Il relâche.
Il me fait joindre les mains au-dessus de ma poitrine. La corde tourne autours de ma cage thoracique, mes bras sont fixés. Il saisit mes doigts, étire mon auriculaire avec une corde qui l’enserre et l’abaisse en arrière vers mon poignet. Quelle idée ! C’est douloureux ! J’avais oublié. J’aime.
Il fait subir le même sort à mon majeur de la même main. Et à trois doigts de mon autre main. Ses gestes sont précis, fermes, décidés. Ça fait mal ! Je soulève légèrement les mains pour avoir légèrement moins mal. Mon corps et ma posture sont modelées. J’avais oublié. J’aime.
J’aime quand le corps cherche à s’adapter à une contrainte. Le centre de gravité du corps qui change entraîne la posture. Une torsion ou un étirement qui amène à se réinstaller. Parfois dans des proportions subtiles. Je regarde que je peux toujours me gratter le nez. Cela le fait rire.
Les doigts, la douleur
J’ai vraiment mal aux doigts. Et je suis étonnée de cette proposition. J’ai peur. Peur de ne pas tenir. Peur que mes doigts s’abîment. Je sais pourtant que je peux lui faire confiance. J’essaie de me faire confiance aussi. Je vais traverser. J’avais oublié cette sensation. Celle du challenge, de la confiance en soi. J’aime.
Je lui demande quand même, je ne tiens plus, si c’est normal que j’ai autant mal aux doigts, surtout si c’est dangereux. Il me dit qu’ainsi, on a sept heures devant nous… Je suis rassurée.
Je sens son sadisme. À moins qu’il ne s’adapte à mon masochisme. Il sait que ça fait mal. J’imagine qu’il contemple comment je m’en accommode. Je ferme les yeux. Je respire calmement. Je détends mon corps. J’accepte les douleurs, je les accueille dans ma chair pour mieux les vivre. J’aime.
Une autre corde m’enserre encore un doigt puis resserre l’étau de mes bras sur mon torse. Je déplie mes jambes. J’ai un peu peur de ce qu’elles vont subir, étant donné les douleurs dans mes mains.
Je lui dis: ” je prépare mes jambes, maintenant que je sais à qui j’ai affaire. “
Mais non, la corde suivante passe délicatement autours de mon cou. Puis sur mon visage. Si j’avais ouvert les yeux, je ne peux plus. Elles passent en diagonale de ma joue à mon œil opposé. Elles passent au-dessus de ma lèvre supérieure. Elle glisse sur ma bouche, il réajuste.
C’est incongru d’avoir le visage ainsi ligoté. Je me dis que je dois avoir un étrange aspect. J’aime bien. C’est comme si cela m’amenait à plus d’intériorité.
J’ai envie de me lever. Sans doute le contraste entre la liberté de mes jambes et l’emprisonnement du haut de mon corps. Je lui dis. Il me dit que ce serait une mauvaise idée. Alors, il me déséquilibre et m’allonge. Je le fais quand même. Je trouve la bascule pour me rasseoir. Je lui avais dit que parfois, je n’en faisais qu’à ma tête. Je “bratais”. Mais j’avais été très sage. C’est une “démo” comme il dit. Pour moi, c’est réel.
Les jambes
J’arrive à passer à genoux puis presque debout, alors de sa main ferme, il saisit les cordes sur mon dos et me ramène facilement au sol. Il me tient par les cheveux pour me contraindre à l’immobilité. J’avais oublié, j’aime.
J’ai mal aux mains, je respire pour gérer. Je m’immobilise tout à fait. Je traverse. Il s’attaque à ma jambe droite. Il la replie. Il la serre. La corde glisse entre les orteils. Mais j’ai si mal aux mains que je ne me laisse pas faire. Il est gentil, il laisse mes orteils. En revanche, il serre fort la corde. J’ai mal au tibia. Je sens ses mains qui glissent sur mon corps. Douceur de caresses puis légères griffures. Ma peau est à l’écoute. J’aime la chaleur de ses doigts.
Pour me distraire de ma douleur aux mains, je joue avec mon pied libre, j’explore son corps. Son torse nu. Ses fesses, son pénis sous son short. Il me laisse faire. Je ne peux le voir pour sentir davantage s’il aime. J’ai appris plus tard, qu’il n’avait su alors me dire non. Je suis le genre de personne à qui il faut savoir dire non.
Puis j’arrête, ça ne suffit pas à divertir la douleur, il faut que je lâche. Ainsi, je relâche mon corps et sens ma chair se fondre autours de la jute.
Il attache ma deuxième jambe, plus librement. L’asymétrie est intéressante. Il me demande comment je vais. Je réponds que j’ai particulièrement mal au tibia. Il pose la main dessus, à un endroit précis, il appuie légèrement, un petit cri m’échappe. Il indique “pas plus alors”. Je suis une matière à modeler. Il étudie mon architecture.
Tout mon corps est maîtrisé par les cordes. Jusqu’à mes yeux que je ne peux plus ouvrir. Mon immobilisation est une passivité apparente. Au dedans, je ressens, je travaille à respirer, à repartir mon poids, à lâcher les tensions inutiles qui rajoutent à ce supplice consenti.
Semi-suspension
Je sens les cordes de ma jambe droite me soulever. J’imagine la corde passer au-dessus du bambou. Semi-suspension. Mon centre de gravité se déplace, la répartition de mes appuis sur le sol, la contention des cordes évoluent. Je ressens tout. Je prends appuis sur mon crâne. Je respire plus intensément. Je traverse. C’est éprouvant. C’est intéressant.
Après quelques instants immesurables, il me repose au sol. Respiration. Et à nouveau semi-suspension. Imprévisible. Même sadiques, j’aime les surprises. Mon corps se crispe et retrouve la quiétude plus rapidement. J’apprends.
J’ai mal et je songe que le meilleur moment sera celui où il me détachera.
C’est le moment, je crois. Il manipule ma jambe droite. Je ne sais plus s’il détache où rattache. Je crois qu’à ce moment-là j’ai un peu perdu l’esprit. Perdu la notion du temps.
Je sens quelque chose qui touche un de mes doigts. Je comprends plus tard qu’il s’agit simplement d’un de mes autres doigts ! J’ai des sensations, mais étranges. Je lui dis. Il me rassure. Mes doigts vont bien.
Je sais qu’il me détache à présent. Je suis toute dans mes doigts. Quand ils sont à nouveau libres, j’ai du mal à les percevoir, je les applique sur mes joues pour récupérer les sensations de ma peau, des volumes.
Il délie mes poignets. Privé de l’attelle qu’ils constituaient l’un pour l’autre, ils souffrent. Quand la liberté fait mal. Allégorie de la caverne dans mes membres supérieurs.
J’ouvre les yeux. Nous ne sommes pas seuls. Des couples jouent autours de nous. J’ai de la sympathie pour tous ces humains qui jouent comme nous à se faire mal. Drôle de vies. Je me demande comment nous en sommes arrivés là.
Il me prend dans ses bras. J’ai besoin de me sentir rassemblée, j’ai besoin de chaleur. J’ai besoin de sentir que c’est bien fini. Je masse ses bras et épaules pour retrouver la sensation de mes mains. Je me rééduque au mouvement sur ses muscles.
On se dit merci
Petit à petit, je retrouve en autonomie. En discernement. Je reviens à moi et à la possession de mon corps. La musique est toujours là, elle nous a accompagné tout ce temps. J’ai envie de danser. De savourer la liberté de mon corps et la beauté jouissive de ma mobilité.
J’ai beaucoup aimé cette scéance de Shibari. J’en veux encore. Je lui dis. Il ne peut plus. Il me dit non. C’est bien comme ça.
J’ai renoué avec mon masochisme, avec mon plaisir des cordes. J’ai pris un grand plaisir à traverser l’expérience. Alors que je n’ai pas joui, et que mon sexe n’a pas été sollicité.
J’ai pris plaisir, dans les cordes, sans sexualité. C’est possible donc. Merci pour l’expérience. Je ne suis peut-être pas (qu’) une obsédée sexuelle. Mais je suis une passionnée d’expériences corporelles. J’en veux encore…
Il y a des jams de Shibari tous les mois… Tant mieux…
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