Elle connaît le shibari. Elle a une grande passion pour cet art, et en a une pratique expérimentée. Elle sait utiliser aussi les cordes pour faire mal, elle connait le masochisme, moi non.
Elle prend le temps de m’en parler, de me préciser les règles de sécurité. Je lui parle de mes attentes aussi. J’aime être contrainte. Un amant m’attache pour me faire jouir.
Elle me dit qu’elle n’a jamais mêlé encordage et sexe. Moi, j’aime le sexe…
J’aime sa manière de faire. Elle me prend dans ses bras, doucement, presque maternellement. Elle me câline, me cajole, m’apaise. Elle est à l’écoute de mon corps qui se détend et se dépose dans ses bras. Nos corps s’accordent. Elle me dit que le shibari est avant tour l’art de la connexion.
Quand elle me sent suffisamment relâchée, prête à me confier, en confiance pour me laisser porter : elle commence à faire glisser les cordes sur moi, à les nouer. Je suis surprise de sentir le passage de certaines cordes me brûler un peu la peau. Puis je comprends qu’elle le fait exprès !
Je surprends son regard qui m’observe, elle guette mon consentement. Je lui souris, et hoche la tête, c’est oui. Elle enserre mon mollet contre ma cuisse, Futo Momo, me dit-elle. Je sens son corps près du mien, nos poids sur le matelas, ses gestes qui me manipulent et me bercent et j’aime sentir sa peau contre la mienne et lui donner mon corps à modeler, enserrer dans une sculpture de chair et de chanvre.
Elle serre fort. Elle me fait mal ! Je la regarde surprise : « Aïe ». Je ne pensais pas que les cordes pouvaient donner de la douleur ! Je suis si naïve ! Je n’y avais pas songé. Cela la fait sourire ! Elle me demande si je veux qu’elle desserre. Je goute la sensation, je n’aime pas. Je lui dis oui. Je sens qu’elle est un peu déçue. Mais ce n’est pas moi qui la déçois, elle regrette de ne pas m’avoir amené à aimer.
Elle serre mes mains derrière mon dos. De jolis nouages font un harnais sur ma poitrine. J’ai l’impression que je peux me retourner. Elle me dit « essaie » mais mon corps est figé, je n’ai aucune amplitude articulaire, mes rotations me permettent de me soulever de quelques centimètres, mais pas plus.
Puis, elle me dit : je vais te porter. Alors, elle se tient debout au-dessus de moi et saisit la corde qui fait le tour de mes côtes. Elle me soulève…
La douleur est atroce et fulgurante ! Je suis surprise et horrifiée. Je crois que je crie un peu. C’est aigu et révoltant ! Je la regarde. Elle guette ma réaction. Et en quelques instants, j’ai le temps de penser : je lui fais confiance, je sais que ce n’est pas dangereux. Je me fais confiance, j’ai connu pire et grave.
Alors, je respire. Et je me dis que je peux nous faire confiance, que je vais traverser cela. Mon regard est plongé dans le sien et j’ai l’impression qu’elle lit mes pensées, qu’elle suit mon cheminement. Je souffle lentement et mes muscles se relâchent… je cède, je lâche, j’accepte mon masochisme quelque part.
Mon corps s’ajuste aux cordes, mon poids se repartit autrement, je sens mes os trouver de la souplesse et mes appuis évoluer, les cordes s’enfoncent moins dans ma chair qui semble plutôt les épouser. La douleur diminue fortement. Et cela me séduit. Je me sens forte. Je traverse une épreuve. Et je sens son encouragement dans son regard.
La découverte du masochisme
Elle sait que je fais une nouvelle expérience, et touchante. Elle sait que je suis en train de tomber dans un nouveau terrier, celui du masochisme. Et elle est heureuse d’être celle qui m’y accompagne. Et moi aussi, je suis heureuse de le vivre avec elle.
Elle ne m’avait soulevé que de quelques centimètres, elle soulève encore, quelques autres centimètres, que j’accepte avec autant d’application, le regard agrippé au sien, jusqu’au plaisir de l’accomplissement. Puis, elle me repose sur le matelas.
La suspension n’aura duré que quelques instants qui m’ont parus si denses. Le soulagement dans mes chairs me semble divin. Bouffée d’endorphine, penserai-je plus tard. Mon corps s’enfonce dans le moelleux du lit, serein. Elle me demande : « encore ? » Je dis « oui ».
À nouveau, elle me soulève, par paliers, le même geste, la même douleur. La même surprise d’avoir autant mal. Mais la lutte est plus courte à chaque fois. J’ai compris. Mon corps connait le chemin. Je respire et accepte. Je me surprends à me détendre aussi facilement et à goûter comme je parviens à gérer la douleur. Et comme ce sentiment est délicieux. En quelques fractions de secondes, la douleur passe d’insupportable à surmontable. Je me sens victorieuse et perçois un petit quelque chose de l’ordre de l’invulnérabilité.
Cela m’apparaît un comble alors que je suis à sa totale merci. J’aime notre échange de regard. Nos yeux discourent. Sans parler, je sens qu’elle perçoit ce que je ressens : la surprise, la puissance, la gratitude, la confiance.
Elle ne m’a soulevé que deux fois, quelques instants. Mais ces moments sont d’une rare densité.
Encore ivre de ces sensations, je lui réclame un baiser. Elle me cajole, m’embrasse, me caresse.
Je réclame davantage. Ainsi, tout à fait dépendante et en confiance, j’aime jouir. Contrainte, l’abandon dans le plaisir est total, la jouissance inéluctable est délicieuse. Mes meilleurs orgasmes, je les ai attachés. Soumise au plaisir et aux doigts de celui ou celle qui est avec moi.
Elle veut bien. Elle glisse ses doigts dans mon corps. Je suis réceptive, sensible. Mes sensations sont exacerbées. Je jouis plusieurs extraordinaires fois. Elle y prend plaisir. Mon plaisir est le sien et le mien est offert à sa contemplation.
Elle laisse mon corps exsangue d’avoir joui reprendre de l’air. Elle me détache soigneusement, lentement, avec tendresse. En câlinant à nouveau mon corps. Elle met de la chaleur et de la douceur là où il y a eu de l’aigu, de l’incroyable. Elle me redescend sur terre, dans ses bras et librement, je m’y love. Nous nous embrassons et je lui dis merci.
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