Il y a quatre ans, j’avais du mal à l’admettre, mais j’étais fâchée avec mon corps. Après deux maternités, une dépression, j’avais maigri, vieilli et je le voyais sur mon image. L’exhibition était une chose impensable à l’époque.
Je ne m’aimais pas beaucoup
Mes seins qui avaient été ronds et fermes avant mes grossesses avaient ensuite été gonflés puis dégonflés par l’allaitement.
Je ne les aimais plus. Je n’aimais plus mon corps. Je ne m’aimais pas beaucoup.
L’ennui du confinement m’avait poussé à explorer des espaces du web que je n’avais encore jamais aperçus. Et je suis arrivée sur un serveur de discussion et d’échanges d’images qui traite de la sexualité avec un regard ludique et ouvert.
Sur ce serveur, un canal de discussion consiste en des défis photos. Un thème est proposé et les participants proposent des images d’eux respectant plus ou moins le thème, la plupart du temps sans montrer leur visage…
Je m’ennuyais, nous étions tous enfermés. Je suis joueuse. J’étais dans une phase de ma vie dans laquelle j’avais besoin de réveiller ma sensualité. Je me suis précipitée sur l’exercice…
Découverte du plaisir de l’exhibition
J’ai réclamé des thèmes… J’en ai proposé plusieurs… se succédant.
Pendant quelques semaines, j’ai relevé chaque défi d’exhibition, me pourléchant des prochains thèmes proposés, faisant trotter dans ma tête toute la journée les idées de clichés que j’allais ensuite produire en hâte et clandestinité, le soir, une fois ma famille couchée…
Le thème miroir, j’enlace mon reflet…
Le thème végétal, j’enserre mon ficus entre mes cuisses.
Le thème fluides, je laisse couler de la crème sur la peau de mes seins…
J’utilise le mode selfie de mon téléphone, que je pose au sol dans la salle de bain. Je prends une pose, je vérifie le cliché. Le plus souvent tout à fait nue, je me cambre pour que la finesse de ma taille soit mise en valeur. Je lève les bras pour que mes seins se tiennent plus haut. J’évite les plis de peau. Je cherche les angles les plus valorisants.
Mais le tout en me pressant, je me cache et c’est excitant. Je recadre les clichés, je ne montre jamais mon visage, veille à l’anonymat des photos. J’applique un filtre tantôt en noir et blanc, tantôt, je joue avec quelques couleurs. Je floute le bord des photos pour leur donner une forme de profondeur.
Et je poste. Les corps que j’attribue à des femmes sont très minoritaires. Mes clichés sont salués de cœurs, de commentaires encourageants. On me trouve belle. On loue mes petits seins qui pointent.
C’est agréable de se sentir appréciée. Alors, je joue encore plus.
Je finis par devenir maîtresse des lieux, je drive la petite communauté d’exhibitionnistes et de voyeurs. Je finis même par prendre plaisir à appâter… J’invite à jouer avec moi. À prendre plaisir à s’exhiber autant que moi. Je finis même par considérer les photos des autres comme des offrandes et je promets des récompenses : “j’ai fait une magnifique photo sur ce thème, je ne la partage que si j’ai x participations…”.
Je suis aussi active sur d’autres fils de discussions. Et je propose parfois des liens entre les débats et les images. Je propose ainsi de jouer avec les genres sexués, de mettre en valeur telle ou telle partie du corps, les tétons, les fesses…
Quand arrive le mois de décembre avec quelques joueurs, nous nous proposons de faire un calendrier de l’Avent. Des volontaires régalent la communauté de clichés sur le thème des fêtes de fin d’année à grand renfort de jeux de mots sur la bûche, la cheminée ou encore les cadeaux à déballer…
J’offre pour le 25 une photo de mes jambes enguirlandées telles un sapin et une autre de mes tétons soutenant des boules de Noël.
L’impact bénéfique de l’exhibition
Les photos ne sont pas vulgaires, à mon goût. Et la communauté est adorable de bienveillance. On se donne des conseils de recadrage, comment soigner le décor. On applaudit l’audace. On s’émerveille des trouvailles créatives. Jouer avec une ombre, des reflets dans des objets. Plus que la crudité, la suggestion et l’interprétation sont salués.
Il arrive que des auteurs me parlent en MP et me confient combien ils sont fiers d’avoir osé produire un cliché…
Ils en profitent pour me raconter leurs histoires, de temps en temps cela parle de solitude, d’ennui conjugal, parfois de souffrance dans l’estime de soi, de maladies. Mais aussi occasionnellement de cheminements, de réparations, de jeux ou d’épanouissement. Misères et joies, de l’humanité.
Petit à petit, les corps se diversifient : les corpulences, les genres, les âges, un peu moins les carnations…
J’écris cet article aujourd’hui, car ce channel du serveur, après avoir été plus calme quelques années, sans jamais avoir été tout à fait éteint, reprends ce mois-ci des couleurs.
Et ce foisonnement, à nouveau, d’activité et le positionnement nouveau que je prends me permet de voir combien j’ai évolué moi-même.
Quelques nouvelles.eaux joueur.se.s ont eu l’idée de se mettre au défi d’une photo par jour, chaque jour son thème : 31 thèmes, un pour chaque jour du mois choisi.
(Un peu à la manière du nudevember… Rien ne se perd, tous se recrée…)
Je trouve l’expérience magnifique…
Des personnes qui évoquent dans d’autres salons leurs problématiques, leurs cheminements osent l’exhibition, osent se dévêtir pour offrir quelques centimètres de leur peau à nos écrans. Certain.e.s plus discret.e.s apparaissent ici et proposent avec facétie une création. Les photos sont joueuses, esthétiques ou parfois abstraites. Timides ou osées. Poétiques ou excitantes.
C’est comme un laboratoire. Et de voir la joie qui y apparaît et la bienveillance des commentaires… Je ne peux m’empêcher de repenser à mes premières photos sur ce serveur et à mon évolution. Sans doute que cet espace de jeu visuel a contribué à ma libération actuelle.
Je prends aujourd’hui conscience de combien j’ai été quasiment addict au plaisir de m’exhiber. J’ai eu besoin d’offrir la vision de mon corps pour me le réapproprier. J’ai compté sur l’intérêt des autres pour faire la paix avec mon image.
Si on me trouvait désirable, peut-être que je pouvais essayer de m’aimer ? J’aurais voulu ne pas avoir besoin du regard de l’autre, mais l’opportunité de ce jeu était là et je m’en suis servie. J’ai eu la chance d’avoir été bien accueillie.
Par la suite de mon cheminement, je me suis un peu défaite de cette attitude addictive. J’en ai eu moins besoin.
Je crois que je commence à me considérer mieux, à m’accepter.
Malgré mes complexes, mon corps est assez aligné sur les stéréotypes de la femme cis désirable : morphologie en sablier, taille ordinaire… Si je ne m’aimais pas, c’était bien dans ma tête qu’il y avait un problème. Rien dans mon image n’est fondamentalement pas aimable.
D’autant plus que j’aime les corps. Je prends un réel plaisir à découvrir les photos de mes compagnons de jeux. Les postures, les choix de cadrages, les mises en scène, les carnations, les grains de peaux, les pilosités… Tout cela m’émeut. Et je trouve que tous ces corps sont beaux.
Habités de désirs : celui de jouer, de se montrer, celui de repousser ses limites, celui de se trouver excitant.e… Tous ces désirs qui se devinent rendent chaque cliché enthousiasmant à mes yeux.
Moi-même, j’ose plus qu’il y a quatre an, je choisis de me montrer plus naturelle : Quelques plis sur mon ventre, les seins légèrement plus pendants, une photo aussi évoque mes règles…
Cet espace de partage de photo, c’est mon militantisme. C’est mon cheminement personnel vers l’acceptation de mon apparence. C’est l’expérience libératrice de partager avec mes adelphes des créations émanant de nos images corporelles. C’est la visibilisation à la fois de la diversité des corps, mais aussi de la diversité des fantasmes et des érotismes.
Liberté, créativité, amour de soi, bienveillance… Un bel espace d’humanité… Je suis fière d’y avoir contribué, et d’y avoir évolué. Et dans mon for intérieur, j’espère que ce lieu est aussi un espace d’évolution pour d’autres que moi…
Et s’il est possible que ça ne le soit pas autant que pour moi, il permet certainement de donner un peu de plaisir…
Et le plaisir… Oh le plaisir… C’est le bon de la vie !
❤️ Soutenez NouveauxPlaisirs.fr ❤️
NouveauxPlaisirs.fr est un média unique dans son positionnement et contenu sur la sexualité ludique et totalement indépendant de ses partenaires. Pour le rester, nous ne mettons en place ni commission, ni pub, ni aucune autre source de financement.
Si vous aimez le contenu que nous publions et notre combat pour plus de connaissances sur tous les aspects de la sexualité, soutenez nous en donnant une somme une fois ou tous les mois sur Tipeee.
Le site est complètement non commercial (et veut le rester) mais coûte de l’argent chaque mois à Adam pour l’hébergement, certains outils informatiques, des sextoys ou des accessoires rares qui ne sont pas chez les partenaires, et bien sûr, l’immense temps passé à créer, à maintenir le site et la communauté.
Pour vous donner un ordre d’idée, en moyenne pour chaque article, c’est environ 6 à 8 heures de travail suivant la taille de l’article et les recherches nécessaires (certains ont demandé des dizaines d’heures comme ceux sur la science de l’orgasme), il y a ce jour 1100 articles. J’estime avoir passé approximativement 10.000 heures de travail rien que sur le contenu, l’écriture des livres et le soutien à la communauté.
Je propose un soutien financier en libre conscience. Pour déterminer pour combien vous souhaitez soutenir ma démarche, je vous invite à réfléchir sur ces différentes questions :
- Est-ce que les articles de NouveauxPlaisirs répondent à mes besoins d’épanouissement ? Quel est le degré de satisfaction que j’en retire ?
- Combien de temps Adam a dédié à ce site, aux articles, à la communauté et quels ont été ses frais associés ?
- Dans un monde idéal, quel est le montant que je trouverais le plus juste pour soutenir le travail d’Adam ?
- Qu’est-ce que ça me coûterait comme effort de payer ce montant ? Par rapport à mes moyens, quel est le montant qui me semble juste sans me mettre en difficulté ?
- Est-ce que j’ai la possibilité et l’envie de payer un peu plus pour participer d’une manière ou d’une autre aux autres projets d’Adam ?
Mille mercis à vous d’avoir lu ce paragraphe.