Dans la série, réflexions et risques dans le BDSM, voici le quatrième article. Je vous décris dans cet article les mécanismes utilisés pour prendre le contrôle mental et physique d’un Soum par un Dom. Évidement, tout est noyé dans la relation que le Soum a avec son Dom, mais si on regarde dans les détails, ces processus et phases existent pratiquement tout le temps.
Petit à petit, en mettant en place des contraintes et des activités, le Dom peut créer un lien de dépendance psychologique et physique. Évidemment dans un cadre bienveillant ce n’est pas un problème, ça l’est avec un Dom malsain.
Il me semble donc important de décrire ces processus pour, d’une part démystifier le processus qui n’est pas forcément analysé de cette façon dans la communauté, d’autre part, vous donner des clefs de réflexions par rapport à votre propre conditionnement (puisque nous parlons de risques dans ces articles).
Enfin, cet article est aussi écrit pour vous informer de ce qui va se passer à l’avance pour que vous gardiez votre libre arbitre (au maximum, et vous comprendrez pourquoi je précise ça plus tard…).
En complément, vous pouvez aussi vous référer à cet article dans lequel j’avais aussi traité d’une méthode pour dominer sexuellement un homme (ou une femme).
Rappel sur la série sur les risques dans le BDSM
Le BDSM est un domaine où le pire côtoie le meilleur. J’ai vu de nombreuses relations BDSM de grandes qualités avec beaucoup d’amour tout autour de moi. Mais, je suis honnête, j’ai vu aussi un grand nombre de problèmes sur les 15 dernières années avec des personnes qui se réclament de ce milieu. Des manipulateurs/trices qui, sous le terme de Maître ou Maitresse, sont à l’origine de situations très malsaines.
Dans cette série, afin que vous puissiez vous épanouir en pleine conscience en sachant détecter les signaux faibles de risques, les points suivants seront abordés :
- Comment choisir son maitre, quelques conseils
- Les risques par types d’engagements BDSM
- Les signaux des risques de manipulation et d’emprise psychologique
- L’explication des méthodes de prise de contrôle des Dom et pourquoi elles fonctionnent
- Une réflexion sur l’imact des activités BDSM sur le consentement sur le long terme et le libre arbitre
- Les problèmes et comportements malsains que vous pouvez rencontrer
Nota: Pour des raisons de facilité dans les articles, j’utiliserais le terme Dom à la place de Maître ou Domina tout au long de l’article. Le terme Dom est genré masculin, mais je l’utilise de façon non genrée ici, de même pour Soum qui signifiera soumis ou soumise. Pour les spécialistes du BDSM, oui, un Dom et un Maître sont deux choses différentes, un Maître est un Dom, mais pas forcément le contraire, mais je ne puis rentrer dans ce niveau de détail ici, excusez le
Comprendre les méthodes de prise de contrôle des Dom
Pour comprendre quels sont les risques liés à la dépendance affective, il est très important de comprendre comment la prise de contrôle se met en place dans une relation BDSM. Cette section va décrire de façon simple (je pourrais écrire un livre) des méthodes typiques pour que vous puissiez analyser avec recul ce qu’il se passe dans votre relation.
Tout d’abord, il est important de préciser que ces mécanismes permettant de créer une dépendance psychologique, affective et physique est facile à mettre en œuvre et bien connue.
Mise en place de rituels
La première étape consiste à habituer le cerveau du Soum à obéir en mettant en place des rituels.
Le rituel est une chose que vous devez faire pour votre Dom de manière obligatoire et systématique. Lui envoyer une photo tous les jours, un texte, lui dire quand vous sortez, quand vous vous levez, vous couchez, ne pas porter de sous-vêtements, devoir vous masturber à horaires réguliers ou un certain nombre de fois par jour, etc.
À chaque fois que vous obéissez d’une telle manière à votre Dom, cela génère une certaine excitation liée à votre relation. Votre cerveau s’habitue donc à associer obéissance et excitation. Votre Dom vous félicite alors d’une manière ou d’une autre à chaque fois, cela associe obéissance et excitation à la récompense.
La récompense est physiologique, c’est la libération de l’hormone appelée dopamine (je simplifie volontairement). C’est un processus physiologique et de fait inévitable.
Les rituels ne sont donc pas de simples petites taches à réaliser pour faire plaisir au Dom, ils sont essentiels tout au long de la relation pour instaurer la soumission et la maintenir.
Et c’est d’autant plus efficace que dans le cadre d’une nouvelle relation, cela s’ajoute à ce que l’on appelle l’ENR (énergie de nouvelle relation). L’ENR est dû aux hormones et induit que l’on pense plus ou moins constamment, et plus physiquement il y a de l’excitation sexuelle, des papillons dans le ventre, etc.
Avec le temps, les rituels se transforment mais restent toujours utilisés. Au début, ce sont des tâches ludiques simples pour que l’acceptation du rituel se fasse facilement, plus tard, il s’agit de rituels souvent appelés rituels de service. Ce sont des manières ritualisés afin de montrer la soumission au Dom, servir une boisson ou repas, enlever les vêtements du Dom, remercier le Dom après une activité, se comporter spécifiquement avec des invités…
Réduction de l’indépendance du Soum et augmentation du contrôle
Le Dom va aussi tout faire pour diminuer l’indépendance de la personne soumise petit à petit.
Cela peut se produire dans de multiples occasions, mais le plus commun est quand le couple Dom/soumis(e) est ensemble, le Dom va alors tout vouloir contrôler. Par exemple, choisir la boisson ou le plat au restaurant, vous dire comment vous habiller, quand vous pouvez dire bonjour, quelle position vous devez prendre, quand vous pouvez vous asseoir, etc. Cela peut aller très loin au bout de quelques mois/années.
Évidemment, avec le temps, l’objectif du Dom est que le contrôle devienne de plus en plus fort, il y a donc plus de contraintes et de rituels pour renforcer le processus.
Des processus de punitions ou récompenses sont utilisés par la suite. C’est ce que l’on appelle du renforcement positif (quand il y a récompense) ou négatif (quand il y a punition).
Les premières “punitions” peuvent être l’annulation d’un rendez-vous avec lui, l’interdiction d’avoir un orgasme lors du prochain rendez-vous, car vous n’avez pas assez obéi et mille autres choses dans le même principe. Les récompenses peuvent être de simples signes de reconnaissances positifs, une activité sexuelle, une sortie en amoureux…
Dans le cadre d’un Dom pervers narcissique, les punitions peuvent être de long moment où le Dom ignore ou frustre le Soum, pour lui apprendre à obéir afin d’éviter la souffrance psychologique.
Conditionnement par la récompense
La même chose se passe en la présence du Dom, tout l’objectif est de faire obéir le Soum et de lui donner des récompenses (toujours pour utiliser l’effet dopamine).
Au début, on peut utiliser la stimulation sexuelle pour récompenser l’obéissance. Suivant le profil psychologique de la personne soumise, le Dom choisira ce qui a le plus d’impact.
De manière générale, le Dom se basera en grande partie sur le profil psychologique de la personne soumise. Il demande une action, attend la réalisation de l’action, et après que la personne soumise ait démontré son obéissance, le Dom la récompense avec ce dont elle a le plus besoin. Si la personne soumise est en manque d’amour, c’est de l’amour qu’il lui montrera pour la récompenser, si elle est en manque de sensation forte, il y aura une activité générant cette sensation et de l’after care ensuite, etc.
C’est comme cela que l’on dresse les animaux depuis la nuit des temps comme, dresser un chien ou un dauphin à sauter à travers un cerceau de feu alors qu’ils en ont une peur bleue.
Cela fonctionne aussi parfaitement sur un humain. Je vous indiquerai les références d’un livre à la fin de l’article qui explique précisément la méthode ainsi que les processus physiologiques.
Renforcement de la dépendance par la frustration
Dans le processus de mise en place de la dépendance, il faut ensuite renforcer (en général) en introduisant du manque.
La troisième phase est donc de demander toujours plus à la personne soumise mais le Dom va la frustrer de plus en plus longtemps avant qu’elle reçoive sa récompense. La récompense sous forme de dopamine n’en sera que plus forte lorsqu’elle arrivera. Très utilisé par les pervers narcissiques, cette méthode est bien évidemment utilisée aussi par les autres Dom avec une intensité variable en fonction de la relation, de la bienveillance du Dom, de l’indépendance du Soum etc …
Ce renforcement est puissant. Le cerveau va petit à petit devenir addict et se reprogrammer presque tout seul. C’est la bascule vers la dépendance affective induite.
Renforcement de la dépendance par la dissociation, création d’emprise
En plus de ce processus, le Dom va utiliser des techniques là encore très connues dans le domaine du brainwashing/mind control.
Les cordes, l’impact play, les activités SM ou encore l’edging forcé par exemple permettent de mettre le cerveau dans un état alternatif dans lequel il est beaucoup plus réceptif à l’apprentissage. C’est ce que l’on appelle un état de dissociation ou un état modifié de conscience (encore appelé subspace dans le monde BDSM).
Un Dom malveillant va alors utiliser l’effet de cet état pour dire à la personne soumise qu’il l’aime à la folie, qu’elle doit lui obéir pour être heureuse, etc. Le cerveau, telle une éponge, va absorber le discours sans esprit critique. La personne soumise se fait littéralement mind controller et conditionner sans s’en rendre compte.
Les soumis(es) éprouvent souvent un besoin de dépassement, une volonté d’explorer les limites, de se faire mal. La douleur est une voie royale pour cela. Pour certains Dom, l’apprentissage de la douleur est incontournable dans leur pratique, car la douleur est parfaite pour, à la fois, purger les tensions, mais aussi pour créer du lien affectif avec l’effet du subspace et de l’after-care qui va générer la Dopamine comme je l’explique ci-dessus.
Dans un état de douleur intense, le cerveau va se protéger par la dissociation et permettre au Dom de littéralement conditionner sans résistance la personne soumise. Au plus le Dom va vous faire mal, au plus l’aftercare vous sera réconfortante, et au plus le cerveau va interpreter ce qu’il se passe en aftertare comme du lien, au plus l’emprise se créé (même si évidemment, il peut y avoir de l’amour présent aussi, rappelez vous que je ne parle que du processus qui se déroule quoi qu’il arrive dans tous les cas).
C’est exactement le même mécanisme, certe beaucoup moins intense dans notre cas, qui est utilisé par les services de renseignement du monde pour retourner les espions, torture et suppression du sommeil pour créer de la dissociation et reprogrammer l’espion au bout de dizaines de séances sur des mois.
Conclusion
Voici donc des mécanismes typiques de conditionnement et de prise de contrôle mental utilisés dans le BDSM. Évidemment, il peut y avoir beaucoup d’autres façons de faire et il existe beaucoup de techniques complémentaires.
Soyons clair, la plupart des Soum et Dom, n’ont aucune idée (ou très peu) des ressorts qu’ils utilisent, ils le font naturellement dans la relation car ils reproduisent des techniques et manières de faire transmises souvent sans contexte dans la communauté BDSM.
Le BDSM reste centré sur la relation entre deux individus et ce que j’explique ici peut sembler très clinique. Ça l’est, ce sont des effets sous-jacents qui ne remettent pas en cause le lien positif qui peut se déployer dans la relation BDSM.
Pour aller plus loin, je vous invite à consulter la bibliographie, Le Livre du Contrôle et Breaking My Slave sont disponibles au téléchargement gratuitement (les liens sont dans la bibliographie). Ils parlent en détail de ce que je décris ci dessus. Ils ne rentrent cependant pas dans l’analyse physiologique de l’impact des activités tel que je le fais dans cet article, peut être les auteurs n’en n’ont ils pas la connaissance… Si vous voulez comprendre mieux ces mécanismes physiologiques et comment fonctionne le conditionnement d’un humain ou un animal, lisez alors le livre Don’t Shoot the Dog, il est excellent.
La prochaine question qui se pose est presque philosophique. En quoi l’impact des activités BDSM dirigées par le Dom ont t’elles une influence sur le libre arbitre à long terme des Soums ? Peut-on se soumettre avec consentement et perdre son libre arbitre par la suite dans le BDSM ? Cela tombe bien, c’est le sujet du prochain article…
Bibliographie
- Don’t Shoot the Dog : The New Art of Teaching and Training de Karen Pryor, un livre de référence pour tout comprendre comment conditionner un animal ou un humain.
- Le Livre du contrôle de Peters Masters (gratuit en Français ici)
- Breaking my slave, Philip De Coster, February 2017 – Skull Press EBook Publications, Ghent, Belgium (Non-commercial, téléchargement gratuit) – Anglais
Télécharger gratuitement le livre en cliquant sur ce lien
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