« J’ai envie de te prendre par le cul. »
C’est incongru, c’est inconvenant. C’est vraiment sale… mais ça m’excite.
Aujourd’hui, ces mots produisent chez moi un effet intense. Ça n’a pas toujours été le cas. Je m’en émerveille. Je m’interroge.
Longtemps j’ai cru et j’ai dit que la sodomie n’était pas pour moi. Je n’en avais pas envie. Pire, la pratique me choquait, sans que je sache vraiment pourquoi.
J’ai même cru que mon corps ne le supporterait pas, comme si mon aversion tenait ses racines dans une particularité anatomique, un rectum petit, ou un anus trop fragile.
Pourtant mon conjoint en avait envie. Depuis le début de notre relation il m’avait confié ce fantasme. Mais moi j’étais bloquée, je lui refusais même d’approcher son doigt de mon anus. C’est même devenu une sorte de jeu érotique : quand il arrive à l’effleurer il rit, crie victoire et moi je le tape, je le dispute en riant, puis il n’insiste pas mais rit avec moi.
Et puis, de la sodomie, j’en ai fait un Graal. Je lui ai presque promis qu’un jour il pourrait y goûter. S’il en a le mérite, la patience, l’assiduité et le talent.
Dans le fond cela m’arrangeait bien de garder une partie de mon corps vierge. Je me disais même qu’après avoir eu des enfants, si mon périnée était trop chagriné, mon vagin trop traumatisé il me resterait ainsi un orifice à investir.
Deux enfants plus tard, mon vagin va bien. J’ai pris ma rééducation tellement à cœur, désireuse de retrouver une sexualité épanouie que je l’ai musclé d’avantage qu’il ne l’était au début de ma vie sexuelle. Je salue à ce propos l’excellente écoute de ma sage-femme. Je regrette qu’il faille attendre d’avoir des enfants et de rencontrer une professionnelle de santé de qualité pour bénéficier d’informations si importantes pour le développement de ma conscience du corps, et notamment de sa partie la plus intime et peut être la plus précieuse.
Enfin bref, j’ai un vagin en bonne santé, et aussi une petite idée derrière… la tête.
Tout de même je suis curieuse. Je fais acheter à mon mari du lubrifiant. Je sais que, du seul fait de cet achat, son fantasme est ravivé et sa motivation de me traiter comme une reine augmente. Mais il est patient, attentif. Et il attend le moindre signe de consentement de ma part.
Un soir, où j’étais particulièrement excitée, après un magnifique orgasme je lui ai dit« On essaie ». Je respire, je me détends, je sens son excitation à son comble. Je me crispe un peu, je souffle et me détends. Il me pénètre lentement. A peine a t’il inséré son gland dans mon corps que quelque chose en moi s’effondre, je ne veux plus. Ce n’est pas vraiment douloureux, mais non, je n’ai plus envie.
Il me remercie de ma confiance, prend espoir dans le fait qu’il y aura peut-être une prochaine fois. Et nous reprenons nos batifolages plus familiers, je suis rassurée.
Quelques semaines plus tard, nous retentons. Un soir de grande folie, où je me sentais suffisamment gâtée pour vouloir lui offrir ce plaisir. Cette fois-ci, la pénétration est complète. Ça passe. A vrai dire je suis un peu déçue. Je n’ai pas mal, c’est déjà ça. Mais je n’éprouve pas grand-chose, ni plaisir, ni déplaisir. Je sens mon homme heureux, je le laisse profiter, mais je ne tire que peu de plaisir de cette expérience. Tout ça pour ça ? Des années d’inquiétude, de mystère, de fantasme en positif comme en négatif pour quelques va-et-vient assez insipides, presque mécaniques. Bon. Ok.
Mon partenaire est heureux, mais pas extatique non plus. Il a même l’air moins satisfait que lorsque je lui fais mes « fellations au grand art ! ». Alors à quoi bon. Je laisse la sodomie dans un coin de ma tête, comme une option, moins inquiétante, mais pas si intéressante. Et finalement le jeu de lui refuser cette partie de mon corps redevient plus excitant que l’idée de la lui ré-offrir un jour.
Puis des événements de notre vie nous conduisent à mettre fin à notre exclusivité sexuelle. Je prends un amant, puis deux, puis trois.
Ma sexualité prend une autre dimension. Elle me conduit sur d’autres voies, elle devient foisonnante.
Je suis plutôt indépendante affectivement, je le suis devenue avec le temps. C’est pour moi un signe de maturité, d’assurance, de sécurité.
Mais je suis dépendante de l’autre sexuellement. Je désire avec l’autre, je prends plaisir de manière conditionnelle : avec un autre. Seule, je me touche un peu, je prends un peu de plaisir, mais je ne jouis jamais. Cela m’interroge, me contrarie un peu. J’aimerai être plus autonome, épanouie par moi-même. Un ami trouve cela formidable, il me dit que je me connecte si bien à l’autre sexuellement, et c’est vrai, que le sexe seul manque de profondeur. C’est peut-être cela. Mais un autre ami me dit que si je ne me donne pas autant de plaisir, c’est que je ne m’aime pas assez. Cet ami est sainement curieux, attentionné avec moi, et il aime les femmes. Il deviendra mon premier amant.
Avec lui je découvre d’autres sensations, d’autre fantasmes. Avec mon conjoint, notre amour physique est profond, très intime mais aussi très tendre et teinté d’une réalité : il est le père de mes jeunes enfants.
Avec mon amant, le sexe est une aire de jeu, une surface de projection de fantasmes fous, superficiels, sans conséquences, notre relation n’est arrimée qu’au présent. Nous ne nous offrons pas d’avenir, notre avenir est avec nos conjoints. Mais chaque jour que nous accordons à notre relation, des feux d’artifices de ludisme et de lubricité scintillent dans le ciel de son deuxième appartement, de son bureau, d’une chambre d’hôtel…
Je développe des fantaisies que je n’osais pas auparavant. Être attachée, me débattre, être sauvage. Je libère de la lionne en moi… à certains moments. Dans d’autres je peux être avec lui aussi câline et ronronnante, lente, douce et attentionnée. Mais la lionne n’est jamais très loin, prête à bondir.
Un jour après des folies dans le parking de son bureau, puis au milieu de moments torrides dans la salle de réunion, après une multitude d’orgasmes (oui je suis une femme heureuse) alors que je suis à quatre pate sur la table (me réjouissant des belles images qu’il aura encore sur les rétines le lendemain en staff), il me dit ces mots improbables :
« J’ai envie de te prendre par le cul. »
Et cette fois-ci c’est évident. Je dis oui. J’en ai envie, terriblement, irrésistiblement. La pièce est si humide, l’ambiance si cochonne et si sale, cadre parfait pour une sodomie assumée, cohérente.
Il a du lubrifiant (cet homme est un géni). Je suis bouillante. Ma propre excitation et ses doigts rusés et habiles m’ouvrent comme une fleur. Il me pénètre sans difficulté. C’est le bon tempo, le bon moment. Il râle de plaisir et son bonheur me comble. Je me sens si forte, si audacieuse. Les sensations ne sont pas extraordinaires, mais la jouissance délicieuse. J’ai un nouveau pouvoir, une nouvelle source de plaisir, pour lui, pour moi.
Cette soirée « au bureau » me donne encore de méchantes bouffées de chaleur. Elle est le souvenir d’une nouvelle lampée d’air à mon plaisir sexuel. D’abord psychologique : plaisir de donner, d’accueillir, de s’offrir, ce plaisir est un point d’ancrage pour développer une nouvelle sensualité.
Je sens cette partie du corps se sensibiliser. La peau de mon anus, les quelques centimètres à l’entrée du mon rectum sont des zones que pour le moment j’ignorais et qui peu à peu se font sentir, agréablement. Dans certaines positions de coït vaginal j’incline mon bassin afin de sentir des points de compressions à cet endroit et je découvre des nouvelles sensations. J’aime.
Avec cet amant nous nous sommes réoffert deux fois ce plaisir. Pas à chaque fois. J’aime que cela soit spécial. Et j’aime maitriser, le frustrer un peu.
Quand il me prend ainsi, je prends énormément de plaisir à offrir, à lui donner ma confiance. L’exercice me demande encore toute ma concentration. Alors que pour mon plaisir vaginal j’ai appris à serrer mes muscles afin de sentir plus de plaisir, pour la sodomie je dois au contraire apprendre à me détendre pour accueillir. Mon amant est lui aussi très vigilant, à l’écoute de mon rythme, du bon moment, du bon angle, de la bonne puissance. Les premiers instants ressemblent au décollage d’une fusée. Puis une fois le chemin trouvé, le lâcher prise peut avoir lieu : et c’est du bonheur !
Pour le moment nous n’y arrivons qu’en position de levrette, une fois le chemin fait, il peut aussi me prendre en chandelle, les genoux repliés sur ma poitrine. Nous allons continuer d’explorer cela, j’en ai envie. La dernière fois une timide montée orgasmique s’est fait sentir, je suis satisfaite de ce début prometteur. Lui est aux anges, absolument accro ! Je me donne et ainsi je le tiens ! Ah ah !
Le plaisir que j’éprouve est bien lié à notre mode relationnel. De l’ordre de la soumission/domination : j’aime me soumettre à son désir et prendre la maîtrise sur quand je m’offre et quand je me refuse à lui. Elle engage la confiance, le respect et l’écoute que nous avons l’un pour l’autre.
Je me suis appuyée sur son désir très affirmé. Cela m’interroge à nouveau sur ma dépendance sexuelle, la dépendance de mon plaisir et de mon désir au désir de l’autre. Peut-être que ce désir était moins fort chez mon conjoint, ou qu’il a moins résonné en moi. Je n’ai pas ressayé avec lui, ni avec mes autres amants. Je pense que les chemins de mon plaisir sexuel suivent les courbes des relations que j’entretiens avec mes différents hommes.
Mon deuxième amant est un explorateur du plaisir prostatique. C’est d’ailleurs par cette curiosité commune que nous nous sommes rencontrés. Il m’initie à l’art subtil de faire vibrer son corps : son anus, sa prostate, tout en étant lui-même au début de sa recherche. L’observer prendre soin de lui-même, prendre soin de sa recherche personnelle m’émeut c’est une source d’inspiration pour moi. Et c’est en pensant à lui que je me suis donné un peu de plaisir sous la douche, en titillant mon anus. C’était fugace et sensible, mais cela me réjouit.
Mon troisième amant est expert en matière de plaisir anal et prostatique. Il est collectionneur de jouets et compte m’en faire essayer un vendredi : un qui me permettra de prendre plaisir à le pénétrer. Une autre histoire, une autre énergie, un autre chemin d’épanouissement. La multiplicité des partenaires est une riche idée pour quelqu’un comme moi dont le plaisir est tourné vers le désir de l’autre, et dont la capacité à se lier et à faire confiance est épanouie. Je suis quelqu’un qui veut éprouver sa propre richesse en explorant la diversité humaine. Il y a tant de possibles !
Avec moi, la page ne reste jamais blanche. Et je viens de lui découvrir un verso… à suivre.
Pour aller plus loin sur la sexualité anale, lisez la série :
- La Sexualité Anale Partie 1 : Le plaisir anal et ses pratiques
- La Sexualité Anale Partie 2 : Le plaisir anal, hygiène et quelques bon conseils …
- La Sexualité Anale Partie 3 : Pourquoi doit-on se protéger pour le sexe anal ?