Une amie psy me disait: “Chez une mère, il y a trois femmes, la mère, l’amante, la femme. Il faut les connaître toutes pour la comprendre.”
Quand elle me disait cela, elle n’ignorait pas la dépression post-partum dont je sortais. Mais elle ignorait tout de la nouvelle vie (et sexualité) que je me construisais dans l’ombre.
La mère
La mère en moi était débordée d’injonctions que je me posais moi-même, forte de préjugés, d’idéaux, de pressions. Être présente, disponible, joyeuse, nourricière, douce… J’ai passé plusieurs années à essayer de me conformer à l’image de la bonne mère. Je m’en suis épuisée. Débordée de culpabilité toutes les fois où je me trouvais décevante. Et éreintée et triste, je l’étais.
Mes enfants ont grandi. Soulagée de l’allaitement de la dernière et des besoins impérieux de la phase des deux ans, je sentais une énergie revenir. Moins écrasée par la charge mentale et physique de ma trentaine de kg d’enfants que j’aime, j’ai senti que mon corps pouvait à nouveau éprouver d’autres contacts que les contacts tendres et maternels. J’ai senti que des espaces à nouveau libres de ma psyché pouvaient être employés à des rêveries. Pulsions de vies, elles étaient sexuelles.
La naissance d’Eulalie, réveil de la sexualité
Je fais rarement les choses à moitié. Je m’étais plongée sans compter dans la maternité. J’allais me plonger tout à fait dans la (re)découverte de la sexualité.
Je n’avais qu’un corps et les journées seulement 24 h. Alors, je suis restée mère le jour et je suis devenue Eulalie la nuit. Écrivant des saloperies à des inconnus toute la nuit. Me levant tôt le matin pour les enfants, le travail.
De jour, dans les quelques minutes de vide que la vie m’octroyait, Eulalie m’obsédait. Dès que j’avais quelques minutes, je relançais le contact avec des amants, lisais ou écrivais sur des forums au sujet de sexualité. Désirs. Curiosité. Eulalie étais si puissante, si vivante.
La faire émerger était source de grandes joies.
Elle naissait. Et moi, je revivais.
Je me sentais souvent tiraillée. Coupée en deux.
D’un côté, ma vie de mère, épuisante, pleine de pressions, de devoirs, mais pleine d’amour pour mes enfants. De l’autre côté, ma vie de femme libre, puissante, jouissive.
D’un côté les cris de joies de mes enfants, mais aussi leurs colères et leurs pleurs qui déchirent le cœur. De l’autre côté, des cris de jouissance et de cœur uniquement…
Et la culpabilité de parfois préférer mes coucheries à mes enfants. Quand ceux-ci me disaient que je leur avais manqué la veille au soir.
L’artiste
Les années ont passé. J’ai rencontré un artiste, un oiseau. Il a révélé une troisième facette en moi, celle de l’artiste. Elle a toujours existé, mais par sa considération de pair, il lui a donné de la puissance. Je danse, je chante. J’écris. Si nous avons une sexualité ensemble, la connexion est encore ailleurs. Dans le cœur et dans le plaisir des créations communes, des temps partagés.
Il connaît tout de ma vie libertine et de ma famille. D’ailleurs, je lui ai présenté mes enfants et mon mari.
Ce n’est pas aussi fluide que je l’aimerais. Je ne raconte pas tout à mon époux, qui connait les grandes lignes, mais ne demande rien. J’ai sans doute encore honte. Honte d’avoir autant besoin de sexualité, de rencontres. Et j’ai le cœur pudique. Ce n’est pas simple de parler à son mari de l’homme qui fait vibrer mon cœur, de ces hommes, car j’aime fort un de mes amants.
Les trois facettes, le bonheur et la douleur
La mère, l’amante, la femme… chez moi, je les nomme la mère, la salope et l’artiste.
Des facettes qui font partie de moi. Je suis heureuse qu’elles existent. Je suis contente quand j’arrive à honorer chacune de leurs puissances.
Car parfois, je suis heureuse en tant que mère, parfois en tant qu’artiste, parfois en tant que femme libre sexuellement.
Parfois même en tant que mère et artiste en même temps: quand je chante ou danse avec eux. Parfois en tant qu’artiste et salope, quand j’écris ici. Parfois même en tant que mère et salope, quand j’emploie ma fibre maternelle à “soigner” mes amants.
Mais c’est rare. Et mon vécu principal aujourd’hui est de me sentir coupée en trois. Moins douloureusement qu’avant certes. Notamment puisque j’arrive à parler à mes amants de ma vie d’épouse et mère et à l’inverse lorsque je raconte à mon mari de mes joies dans mes aventures.
Mais parfois, je vis le désarroi, de n’avoir qu’un corps et que 24 h par jour pour vivre ce que j’ai envie de vivre.
On me dit de choisir. Mais j’ai impression que ce serait trop de douleurs, de renoncements.
Parfois, j’en souffre tellement que j’ai des idées noires.
On me dit que ce n’est pas que je veux mourir, mais que je veux faire mourir des parts en moi, me défaire. Pas tant d’une de mes trois facettes, mais de certains de mes choix, de mes engagements qui m’étouffent plutôt que de me rendre heureuse.
C’est un constat douloureux.
Parfois, je me dis que mes aventures sexuelles sont des compensations dans ma vie qui est trop lourde.
Parfois, je me dis qu’elles font partie intégrante de ce que je suis, de mes besoins et désirs, et méritent ainsi du respect.
J’avoue que parfois, je suis perdue. Souvent.
Mais je n’ai pas vraiment peur de cela non plus.
Je crois que j’ai plus confiance en moi que je ne le crois. Sinon, je ne m’autoriserai pas autant à vivre.
Que vivre c’est prendre le risque. Celui de se perdre notamment.
Et aussi…
Je suis de celles qui sentent que parfois, c’est en se perdant qu’on se retrouve…
Merci de m’avoir lue.
Crédit photos : Depositphotos
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Mille mercis à vous d’avoir lu ce paragraphe.
Dans une société digne de ce nom (juste, égalitaire, réflexive…), chaque femme serait éduquée, encouragée et valorisée à explorer et vivre entièrement ces trois socles consubstantiels à sa constitution.
Mais cela reviendrait à annihiler la domination religio-masculiniste, garante d’un ordre social établit sur la mise “sous cloche” d’un sexe dit faible et opposé, afin de totalement occulter sa puissance ancestralement redoutée comme jamais.
Félicitations pour le courage et le chemin parcouru!